Face à la pandémie du Covid 19, le Président de la République, M. Macky Sall se fait le porte-parole de l’Afrique pour une annulation totale de la dette publique. Une demande certes légitime mais qui, en aucune façon, ne doit diluer nos responsabilités en tant que pays bénéficiaire de l’Aide et nous empêcher de poser le débat dans son contexte sans parti pris.
Dans les années 80-90, la dette publique africaine, essentiellement contractée auprès des partenaires Techniques et Financiers classiques (pays de l’OCDE) et des pays arabes pétroliers était l’œuvre des Etats. Aujourd’hui le profil de la dette de nos Etats, en particulier du Sénégal, a profondément changé ainsi que celui des bailleurs de fonds :
– un concours substantiel des partenaires techniques et financiers émergents (Chine, Inde, etc.);
– un recours exponentiel aux capitaux privés sur des marchés financiers internationaux (en eurobonds);
– des emprunteurs publics autres que l’Etat (Entreprises publiques et Collectivités territoriales).
Dans les années 1990, l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE ) portée par les institutions de Bretton Woods (FMI et BM) héritières d’un combat des Altermondialistes n’avait posé aucune difficulté parce que les acteurs étaient bien identifiés et avaient tous intérêt à agir. Ce qui ne semble pas le cas actuellement dans un monde en plein guerre froide entre Chine et USA et d’une Europe entrée dans une cacophonie décisionnelle.
Pour faire le focus sur la responsabilité du Sénégal, il faut rappeler que l’encours de la dette est passé d’un peu plus de 2.700 milliards en 2012 à plus de 8.000 milliards FCFA en 2020 soit environ une multiplication par 3 en 8 ans. Aujourd’hui malgré la révision de l’année de base par l’ANSD (Agence Nationale de la statistique et de la démographie) pour le calcul des comptes nationaux qui nous a fait gagner 27 points de PIB mécaniquement sans une création de richesses supplémentaires de notre pays mais la simple magie des statistiques, le ratio de soutenabilité est de 64% sans que la qualité du service public soit à la hauteur de l’attente des usagers. Le service public de la santé en est la parfaite illustration.
Le gouvernement du Sénégal devrait mieux utiliser l’argent du contribuable par une orientation des dépenses vers les prestations attendues par la majorité des sénégalais. Il nous semble par ailleurs indispensable, en cas de crise comme la pandémie du Covid 19 de démocratiser la charge de l’ajustement seule voie de salut à notre portée . Pourquoi, rationaliser l’Administration publique jusqu’à la mettre en hibernation par des ponctions budgétaires, « fiscaliser » les ménages en mode «adou kalpet» et épargner le politique ; Aucune structure à connotation politique rationalisée. Le politique ne renonce pas à ses privilèges au profit de l’ajustement.
Touche pas à nos fonds politiques !
*Hawa Abdoul BA