Des violents affrontements entre manifestants palestiniens et soldats israéliens ont fait lundi 37 morts et des centaines de blessés dans la bande de Gaza, où les Palestiniens protestent contre l’inauguration prévue dans l’après-midi à Jérusalem de l’ambassade américaine en Israël.
Cette journée de festivités côté israélien et américain est aussi la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis la guerre de 2014 dans la bande de Gaza.
Le gouvernement palestinien établi en Cisjordanie occupée a accusé Israël de commettre un «horrible massacre» à Gaza.
Au moment où le bilan s’alourdissait d’heure en heure, le président américain Donald Trump saluait le transfert à Jérusalem de l’ambassade des Etats-Unis comme «un grand jour pour Israël», et soulignait sur Twitter que la chaîne de télévision Fox, qu’il regarde assidûment tous les matins, retransmettrait la cérémonie en direct.
Ivanka Trump et Jared Kushner, sa fille et son gendre en même temps que ses conseillers, prendront part à partir de 16H00 locales (13H00 GMT) avec des centaines de dignitaires des deux pays à la cérémonie en grande pompe qui concrétise l’une des promesses les plus controversées de M. Trump et enflamme à nouveau les passions.
Saluée comme «historique» par Israël, elle est largement perçue comme un acte de défi envers la communauté internationale dans une période de grande inquiétude pour la stabilité régionale.
A quelques dizaines de kilomètres de Jérusalem, des affrontements ont éclaté dans la bande de Gaza aux abords de la frontière israélienne entre manifestants palestiniens et soldats israéliens. Trente-sept Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens, selon les autorités locales.
Des centaines de personnes ont été blessées, dont plusieurs journalistes palestiniens ont été atteints par balles, ont-elles ajouté.
Des dizaines de milliers de Palestiniens sont rassemblés à quelque distance de la frontière. Certains groupes se sont détachés pour lancer des projectiles de fortune en direction des soldats et tenter de forcer, au péril de leur vie, la barrière frontalière lourdement gardée par les tireurs israéliens.
L’armée israélienne avait largué auparavant des tracts mettant en garde les Gazaouis: «Vous prenez part à des rassemblements violents au risque de votre vie (…) Ne laissez pas le Hamas, de la manière la plus cynique, se servir de vous comme ses jouets».
Le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a prévenu que l’armée emploierait «tous les moyens» pour défendre la frontière, les soldats et les civils israéliens riverains de l’enclave palestinienne.
Bilal Fasayfes, 31 ans, a pris avec son épouse et ses deux enfants un des bus affrétés à Khan Younès (sud de Gaza) pour emmener les Gazaouis à la frontière. «On se fiche que la moitié des gens se fassent tuer, on continuera à y aller (à la frontière) pour que l’autre moitié vive dignement», dit-il.
Outre l’opposition au transfert de l’ambassade, les Palestiniens protestent aussi contre le blocus de Gaza et l’occupation. L’armée israélienne a dénié le caractère pacifiste de la mobilisation la qualifiant «d’opération terroriste» conduite par le Hamas, qui gouverne l’enclave palestinienne et auquel il a livré trois guerres.
L’armée israélienne redoute un enfoncement de la barrière frontalière. Elle a déclaré la périphérie de Gaza zone militaire close. Elle a pratiquement doublé ses effectifs combattants autour de l’enclave et en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël où sont annoncés des rassemblements.
Des milliers de policiers israéliens sont aussi mobilisés dans tout Jérusalem, pavoisé de drapeaux américains et israéliens et d’affiches louant M. Trump comme un «ami de Sion». Un millier de policiers doivent être déployés autour de l’ambassade et ses alentours dans le quartier périphérique et verdoyant d’Arnona.
Réalisant un engagement de campagne de M. Trump, le transfert de l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem constitue une rupture de plus avec des décennies de diplomatie américaine et de consensus international. Le statut de Jérusalem est l’une des questions les plus épineuses de l’insoluble conflit israélo-palestinien.
– «Acte d’hostilité» –
La décision américaine comble les Israéliens comme la reconnaissance d’une réalité de 3.000 ans pour le peuple juif. Elle coïncide avec le 70e anniversaire de la création de l’Etat d’Israël, en pleine effusion nationale et ferveur pro-américaine.
Mais l’initiative unilatérale américaine ulcère les Palestiniens pour lesquels elle représente le summum du parti pris outrancièrement pro-israélien affiché par M. Trump. Ils y voient la négation de leurs revendications sur Jérusalem.
Saëb Erekat, haut responsable palestinien, a dénoncé lundi «un acte d’hostilité notoire contre le droit international et le peuple de Palestine, plaçant les Etats-Unis du côté de la force occupante, Israël».
Israël s’est emparé de Jérusalem-Est en 1967 et l’a annexée. Tout Jérusalem est sa capitale «éternelle» et «indivisible», dit-il. Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l’Etat auquel ils aspirent.
La sensibilité du sujet est exacerbée par la religion. Jérusalem est sainte pour musulmans, juifs et chrétiens.
La décision de M. Trump ignore aussi les objections des capitales arabes. La Ligue arabe tiendra une réunion d’urgence mercredi au niveau de ses représentants permanents au sujet du déménagement, a indiqué un responsable de l’organisation panarabe.
Pour la communauté internationale, Jérusalem-Est reste territoire occupé et les ambassades ne doivent pas s’installer dans la ville tant que le statut n’en a pas été réglé par la négociation entre les deux parties.
Le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a appelé dimanche au jihad contre les Etats-Unis.
– Affiches louant Trump –
L’inauguration de l’ambassade, provisoirement installée dans les locaux de ce qui était le consulat américain en attendant la construction d’une nouvelle représentation, a lieu dans une période éminemment sensible.
Les Palestiniens perçoivent comme une «provocation» la date choisie, précédant de 24 heures les commémorations de la «Nakba», la «catastrophe» qu’a constitué la création d’Israël pour des centaines de milliers d’entre eux chassés ou ayant fui de chez eux en 1948.
Gaza est depuis le 30 mars le théâtre d’une «marche du retour» qui voit des milliers de Palestiniens se rassembler le long de la frontière et qui met l’armée israélienne sur les dents.
Depuis cette date, plus de 80 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne.
L’armée israélienne, en butte aux accusations d’usage excessif de la force, affirme ne tirer à balles réelles qu’en dernier recours.
AFP avec Libération.fr