Dakarmidi – Le consensus ne semble pas y avoir fait grand-chose : le nouveau code de la presse du Sénégal voté le 20 juin 2017 par l’Assemblée nationale après des années de réticences et de rejet par des députés radicaux, n’est pas du goût de la représentation à Dakar d’Article XIX, Ong britannique de défense de la liberté de presse. ‘’Le Code de la Presse est incompatible avec les standards internationaux relatifs à la liberté d’expression’’, estime l’Ong. Cette dernière vise dans ses exigences les ‘’sanctions pécuniaires exorbitantes, les pouvoirs de sanctions administratives, les restrictions indues à l’entrée à la profession entre autres comme une menace à la liberté d’expression et l’indépendance des médias’’.
Alors qu’on croyait derrière nous cette controverse, voilà qu’Article XIX rend public un communiqué repris le 12 juillet par le journal en-ligne www.PressAfrik.com et appelant ‘’les autorités sénégalaises à revoir entièrement les dispositions du code et à ne pas appliquer ses dispositions les plus répressives’’. Parce que, et l’Ong dit le mot : ‘’le nouveau Code de la Presse manque aux exigences du droit international. Il représente une occasion manquée de rendre le droit sénégalais compatible avec les standards internationaux relatifs à la liberté d’expression’’.
Tout devrait être à refaire donc et plus de dix ans de bataille, de plaidoyers sur toutes les tribunes adéquates n’auraient encore rien donné dans le sens qui satisfasse des entités comme Article 19. Il a tellement fallu d’engagement, tellement de conviction de part et d’autre, du côté des détracteurs comme de celui des plaideurs pour qu’à présent que le code consensuel est voté, que des desiderata obligent à reprendre le travail harassant pour les uns, fastidieux pour d’autres.
Il aurait été tellement plus simple, plus pratique de signaler ces imperfections, de faire excepter voire rejeter ces ‘’mauvaises’’ dispositions pour éviter aux uns et aux autres les objections tatillonnes d’organisations comme Article XIX. Mais, pro et anti se sont tellement focalisés sur l’arbre dépénalisation du délit de presse que les journalistes n’ont pas vu la forêt des ‘’dispositions liberticides’’ sur lesquelles, d’ailleurs, le président du Collectif des éditeurs de presse, Mamoudou Ibra Kane, a voulu, dans une tribune, attirer l’attention et de l’opinion et des professionnels de l’information.
‘’Tout ce temps perdu dans des polémiques oiseuses sur la dépénalisation du délit de presse pour que la presse sénégalaise soit désormais régie par un code qu’on a cru le meilleur du monde (ou presque) mais qui, en réalité, comporte forces pièges et corsets sur lesquels les discussions et les disputes n’ont pas permis d’attirer les attentions. Dix-sept ans qu’on a parlé de (nouveau code) avec comme disposition-phare l’impossibilité désormais qu’un journaliste soit condamné à une peine de prison pour une faute commise dans l’exercice de sa profession’’, écrivions-nous dans l’Avis d’inexpert publié dans EnQuête n° 1708 des samedi 24 et dimanche 25 juin 2017.
A reprendre tout cela ; retourner le texte devant les députés ? Une énorme gageure dans laquelle la corporation des journalistes qui a réclamé à cor et à cris ce code risque d’être aussi (voire plus) désemparé que le héron de la fable de la Fontaine qui dédaignant les petits poissons à sa portée n’en vit même plus pour assouvir sa fringale. Nous ne dirons pas que la presse doit se contenter de ce qui a été vote ‘’surtout si elle (a) eu à peu près son compte’’ comme la morale de la fable de La Fontaine, mais il y a dans ce code d’autres points qui représentent tout de même des avancées, des points d’appui, à partir desquels on peut se lancer à la conquête d’autres. Tout comme, pour d’aucuns, il y a eu des insatisfactions comme la prérogative de dresser le profil du journaliste. Mais, si contesté soit-il ce point a l’avantage d’offrir l’occasion de mettre de l’ordre dans ce mille-feuilles qu’est devenu le journalisme au Sénégal.
Post-scriptum : C’est cela qu’on appelle un amalgame : un titre du quotidien national Le Soleil du samedi 15 juillet 2017 annonce : ‘’Flagrant délit de tricherie au Bfem : Une voilée recevait les corrigés de mathématiques sur ses portables’’. Et pourtant, rien dans tout l’article, ne permet d’établir un lien entre le voile de la potache et son acte frauduleux. Sous d’autres cieux, cela aurait été assimilé à une stigmatisation du voile, voire à un amalgame entre voile et triche.