Dans le cadre de notre réflexion sur la santé mentale, il est important de rappeler que le mensonge n’est pas toujours un acte malveillant ou simplement destiné à tromper. En clinique, il prend souvent une dimension bien plus complexe. Il devient un véritable outil de défense psychique, parfois inconscient, qui protège l’individu de ce qu’il ne peut pas affronter directement.
1- le mensonge par commission
Il y a d’abord le mensonge par commission, celui que l’on connaît le plus. La personne invente ou modifie volontairement la réalité. Ce type de mensonge peut permettre d’éviter une vérité douloureuse ou d’échapper à un jugement perçu comme menaçant. Par exemple, un patient peut affirmer être en emploi alors qu’il est en grande précarité, non pas par orgueil, mais parce que cette réalité est trop difficile à reconnaître. Il s’agit souvent d’une manière de préserver une image de soi qui tient encore debout.
2- le mensonge par omission
Ensuite, il y a le mensonge par omission, plus discret, mais tout aussi significatif. Il consiste à taire une information essentielle. Ce silence n’est pas anodin. Il traduit parfois une peur profonde, un traumatisme non encore formulable, ou simplement une stratégie de survie. Une personne victime de violences, par exemple, peut ne pas en parler pendant longtemps, même en thérapie, parce que le fait de verbaliser la souffrance la rendrait plus réelle, plus insupportable.
3- le mensonge par projection
Enfin, il y a une forme plus subtile : le mensonge par projection. Ici, la personne attribue à l’autre ce qu’elle ne peut pas reconnaître en elle-même. Ce mécanisme de défense est fréquent dans les troubles paranoïaques, mais on peut aussi l’observer dans des situations de grande insécurité intérieure. Quelqu’un qui accuse les autres de mentir ou de trahir est parfois en lutte contre une culpabilité ou une angoisse qui le déborde.
Ces trois formes de mensonge sont donc des modes d’expression indirects de la souffrance psychique. Plutôt que de les juger, notre rôle en santé mentale est d’apprendre à les entendre, à les décrypter, et à les accueillir comme des signaux d’alerte. Derrière chaque mensonge, il y a souvent une vérité plus profonde qui cherche un chemin pour émerger.
Dr Bassirou Cissé
DES Médecine du Travail
Épidémiologiste de terrain
Certifié en santé mentale
Master en santé et développement durable