Dakarmidi – Manipulation politique de la justice, pour saper le moral du maire de Dakar et tuer sa carrière politique ? Ou coïncidence des calendriers judiciaire et politique ?
Les derniers développements du dossier judiciaire des compagnons du maire de Dakar, ne laisse augurer rien de rassurant pour Khalifa Sall, maire de Dakar et pour les futures échéances électorales. Les lourdes charges qui pèsent sur Bamba Fall et ses co-détenus, pourraient non seulement entraver leur carrière politique, mais aussi couper leur mentor d’un soutien inestimable dans cette période fatidique.
A cette sombre perspective, s’ajoute aussi, celle-là aussi dramatique que constitue l’embastillement de Barthélémy Dias. Privé de l’immense soutien d’Alioune Ndoye désormais dans l’escarcelle du Secrétaire Général du PS, délesté de l’appui d’une dizaine de maires socialistes, jadis favorables à ses thèses, Khalifa ressemble à bien d’égards à un grand éclopé, qui n’a même plus de béquilles pour tenir debout seul.
Cette razzia judiciaire, peut sans doute compromettre les chances du maire de Dakar, qui entendait s’engager dans un vaste maillage politique du territoire, pour élargir sa base politique, confinée potentiellement sur Dakar. Et si les ramifications judiciaires conduisaient les limiers jusqu’à sa propre personne, pour lui porter l’estocade finale, le coup de grâce, qui l’écarterait définitivement de toutes les joutes électorales en prévision !
Pourrait-on alors parler d’une manipulation politique de la justice, pour faire douter le maire de Dakar et entraver durablement sa carrière politique ? Ou s’agit-il d’une coïncidence des calendriers judiciaire et politique ? Dans tous les cas, cette simultanéité reste très troublante, pour le pouvoir au vu de la célérité avec laquelle la justice a traité ces deux dossiers, touchant des proches d’un potentiel concurrent du Président Sall.
D’autres contentieux judiciaires sont en dormance dans les tiroirs du temple de Thémis, sans qu’on sente un pareil empressement de la justice à poursuivre les mis en cause, encore moins à leur servir des détentions provisoires. L’impression que les consignes gouvernementales ont encore croisé la conscience des juges risque malheureusement de prévaloir.
Avec le risque de booster l’indice de victimisation de Khalifa Sall, se présentant, ou étant perçu comme l’objet d’un acharnement innommable. Mais, il faut bien s’en convaincre, il y a bien eu des violences lors de ce fameux bureau politique du PS. Des hommes armés ont pris d’assaut la Maison du Ps, frappé, blessé et cassé. Qui sont-ils ?
Les vrais coupables ont-ils été identifiés et arrêtés ? Bamba Fall en est-il le vrai commanditaire ? La défense a-t-elle exercé tous ses droits ? Une liberté provisoire n’aurait-elle pas permis d’approfondir le dossier d’accusation et d’étayer les charges ? Autant de questions posées à la justice, qui, cependant, ne doivent pas nous dispenser de réclamer que justice soit faite en tout état de cause.
Il est en effet, inadmissible que des adversaires d’un même parti cherchent à imposer leur choix par la violence. La Direction du PS a bien raison de saisir la justice et cette dernière doit sévir sans consigne, sans arrière-pensée politique, avec une constance, une régularité en toute sérénité. Selon les inévitables principes de distance et d’équité.
Le cas de Barthélémy Dias est assez typique de cet imbroglio judiciaire. La même justice qui l’a inculpé et arrêté, est celle qui l’a sorti des geôles de Rebeuss, est tout aussi bizarrement, celle qui l’y remettra probablement. Quel crédit peut-on alors accorder à ceux l’ont blanchi, fait élire député jusqu’au bureau de l’assemblée nationale, avant de cautionner la levée de son immunité parlementaire ?
Mais, ceux qui légitimement sentent l’amer parfum de vengeance et de règlement de comptes, ne doivent pas non plus oublier qu’il y a eu mort d’homme, et des violences physiques graves, qu’on ne saurait quels qu’en soient les soubassements politiques, passer par pertes et profits.
Le grand perdant de ces douloureux événements, c’est probablement notre démocratie, qui subit toutes ces malheureuses contorsions politiciennes, qui assurément la déparent gravement. L’autre perdant, c’est le maire de Dakar, poings et mains liés dans cette spirale dépressive. Sans les puissants leviers de Bamba Fall et Barthélémy Dias, Khalifa Sall pourra difficilement survivre à ce délestage politico-judiciaire.
Le maire de Dakar, en délicatesse avancée avec la direction du parti socialiste avait pourtant enfin décidé de prendre son destin en main à travers une tournée nationale de sondage de sa représentativité au niveau des bases sociales de l’intérieur du pays. En dépit de ces turbulences, pourra-t-il in fine se lancer dans la course pour les élections présidentielles de 2019 et avant, les législatives de cette année ? Sur quels ressorts pourra-t-il s’appuyer pour aller jusqu’au bout de sa logique alternative, quand les dirigeants de son parti, comme le confirme chaque jour, Ousmane Tanor Dieng, Secrétaire général et timonier contesté, ont choisi de rester dans l’attelage majoritaire ?
Depuis trois ans, pris en tenaille dans ses atermoiements et infinies valses-hésitations, Khalifa Sall avait fini par agacer ses partisans et décourager, ceux qui voyaient en lui l’incarnation d’une opposition crédible. Encore qu’il aurait fallu, pour mériter cette reconnaissance, assumer cette lourde responsabilité en quittant le PS, histoire de prendre date avec l’histoire.
La bataille à fleurets mouchetés qu’il a menée contre la direction de son parti, l’a figé dans un incroyable immobilisme politique. Alors que lors des élections locales et municipales de 2009 et celles de 2014, il avait, à la faveur d’une forte coalition, conquis Dakar et réédité son exploit en confirmant son incontestable leadership de la capitale de tous les appétits. Et ce, envers et contre la majorité gouvernementale, (en juin 2014) dont son parti, paradoxalement, en constitue un des piliers. Mais le maire de Dakar a peut-être tardivement compris que les soutiens à dose homéopathique de Tanor, n’étaient rien d’autres que des astuces, sur lesquelles, il s’appuyait pour bien négocier son agenda personnel.
Comment Khalifa n’a-t-il pas vu qu’il ne servait que d’un épouvantail posé par Tanor devant Macky Sall, afin de trouver une re-légitimation institutionnelle, faute d’une réussite électorale, comme en témoignent ses échecs successifs en 2000, 2007 et 2012. Il a fallu attendre le 20 mars lors du référendum, pour qu’il comprenne enfin que la stratégie duale du SG du PS, pouvait lui être fatale. La défection de dix maires jadis, à lui, favorables et la violence verbale d’Alioune Ndoye en rupture de ban avec la coalition Takku Ndakaru, n’étaient que la partie visible d’une tentative d’isolement de Khalifa aujourd’hui, amputé de ses principaux soutiens au sein même du parti.
Le triomphe du « non » à Dakar au référendum, en dépit des énormes moyens déployés par la majorité, sonnait comme un sérieux avertissement, pour Khalifa Sall et sa coalition dont l’audience électorale s’est fortement érodée. Sans l’appui du FDPR, du Rewmi, de Tekki, le oui l’aurait emporté à Dakar. Au vote de la l’Acte 3 de la Décentralisation et ses désastreuses conséquences pour la Mairie de Dakar, ainsi privée de puissants moyens financiers, viendront s’ajouter d’autres artifices gouvernementaux (blocage de l’emprunt, obstruction sur des projets d’embellissement relevant du ressort de la Municipalité, offensive du ministre du Renouveau Urbain, à la place de la Nation, entre autres). La timide réaction, voire la complaisance de Tanor en dit assez sur l’isolement programmé du Maire.
Les larmes de crocodile versées par les ténors de la direction socialiste lors de l’acharnement contre Barthélémy Dias, maire de Sacré Cœur, soutien indéfectible de Khalifa, apparaissent alors comme la preuve d’une insoutenable hypocrisie. Khalifa est-il édifié sur les vrais plans de Tanor ?
La perspective et les conséquences des procès contre ses alliés Bamba et Dias, affaiblissent sa position personnelle alors même qu’il entamait une érosion électorale du fait du flou de ses positions. L’alternative qu’il pouvait représenter s’est vite déplacée vers d’autres figures, comme Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko, Mamadou Lamine Diallo et dans une très moindre mesure, Oumar Sarr et Mamadou Diop Decroix. Il est vrai, que même non membre de ce nouvel assemblage, Abdoulaye Baldé de l’UCS, a pris du galon et tente de marquer son territoire.
Il manquait dans l’échiquier de l’opposition une vraie alternative à la majorité, qui cumulait des résultats économiques probants et des acquis sociaux crédibles. Empêtré dans ses contradictions byzantines au PS, englué dans une ambivalence indescriptible, Khalifa Sall ne voyait pas que le temps travaillait contre lui. En déroulant son projet de référence, le PSE, la majorité engrangeait les bons points, à la mesure de la visibilité de ses projets. Même si au demeurant, ses insuccès dans les domaines stratégiques comme la pêche et l’emploi, l’éducation, imposent le bémol l’engouement.
Il n’empêche que le Président Sall, sorti de la mauvaise passe du reniement du 16 février, a su grâce au référendum, reprendre quelque peu la main au plan politique. Mais l’échec du dialogue politique, le lourd dossier le tassement de la croissance économique autour de 6,6 % avec une faible inclusion sociale, incitent à un surcroît d’efforts pour présenter un bilan positif de ses cinq ans. Khalifa Sall ne pourra que difficilement s’engouffrer dans ces brèches, privés de moyens financiers et de ses preux soldats.