Les propos maladroits du ministre Birame Souleye Diop qui irritent les salafistes
Les déclarations de Birame Soulèye Diop, ministre de l’Énergie et du Pétrole, lors de la cérémonie officielle du Gamou de Fass-Diacksao, ne passent pas inaperçues. Ses propos jugés désobligeants à l’égard des salafistes ont provoqué une vive réaction d’Alioune Badara Mbengue, professeur de lettres, imam à la mosquée de l’UCAD et auteur du livre Salafisme et Convictions.
Une déclaration qui fait polémique
Lors de son intervention, Birame Soulèye Diop a tenu des propos qui ont suscité l’indignation de plusieurs membres de la communauté salafiste : « Comment une personnalité de cette trempe (Ousmane Sonko) pourrait-elle se convertir en salafiste ? Comment le Premier ministre, un petit-fils de Mame Rawane Ngom et un descendant (petit-fils) direct d’El Hadj Ahmadou Ndiéguène, pourrait-il se permettre de devenir salafiste ? Un salafiste ne saurait être issu de cette famille religieuse (…). Aucun patriote n’est salafiste. »
Ces déclarations ont immédiatement déclenché des réactions, notamment celle d’Alioune Badara Mbengue, qui n’a pas tardé à apporter une réponse cinglante.
Voici l’intégralité de la publication d’Alioune Badara Mbengue en réponse à ces déclarations.
RESPECT AUX SALAFISTES !
Il s’agit précisément de ce qui était reproché à l’ancien régime : son immixtion dans le champ religieux pour diviser les communautés et les opposer les unes aux autres. Les cérémonies officielles des événements religieux servaient souvent de tribunes pour flatter les alliés et lancer des piques aux autres, sous le regard bienveillant de certains guides religieux.
Nous avons souvent souffert en écoutant les discours de l’ancien président de la République ou de ses ministres à l’occasion de ces rencontres. Les groupes les plus ciblés par ces attaques étaient les Ibadous en général, et particulièrement les salafistes : c’était devenu une mode.
L’objectif était simple : plaire aux marabouts en s’attaquant à l’honneur et aux valeurs chères à ces honnêtes citoyens. Ce jeu favori des hommes de l’ancien régime reposait sur une exploitation pernicieuse des divergences religieuses à des fins purement politiques.
Ils allaient même jusqu’à vouloir discréditer un potentiel adversaire politique en le qualifiant de salafiste, alors même que ce dernier ne s’en était jamais réclamé. Ces pratiques, contraires aux principes républicains, ne conviennent ni à un président ni à un ministre de la République.
Il faut bien comprendre que le pouvoir public est l’émanation de la volonté populaire, fondée sur une diversité ethnique, culturelle et religieuse. Le respect et la considération de toutes les communautés qui composent notre société doivent être la ligne de conduite des autorités.
Le sens des responsabilités doit primer lorsqu’on prend la parole au nom de l’État du Sénégal lors de cérémonies officielles et religieuses. Il faut toujours garder à l’esprit que ce privilège ne repose pas sur un mérite personnel, mais sur une délégation de l’État.
Des membres de l’ancien régime ont commis de nombreuses bourdes en voulant se présenter comme des érudits en matière religieuse, alors qu’ils n’avaient même pas dépassé le stade de l’initiation. Il arrivait qu’ils se ridiculisent en s’exprimant effrontément sur des sujets qu’ils ne maîtrisaient pas.
Voilà l’un des nombreux travers de l’ancien régime. Nous espérions que le nouveau gouvernement ne tomberait pas dans les mêmes erreurs. Mais force est de constater que le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, a une connaissance très superficielle du salafisme et de ses adeptes. S’il s’était donné la peine de faire des recherches ou d’échanger avec des salafistes, il aurait sûrement évité cette déclaration blessante.
Pourtant, lorsque son leader politique faisait l’objet d’une campagne de dénigrement à propos du salafisme, Ousmane Sonko a su affirmer sa religiosité sans vexer aucune communauté. C’est d’ailleurs ce qui explique la diversité de ses sympathisants, parmi lesquels se trouvent des adeptes de toutes les obédiences, y compris les salafistes.
Il est évident que lorsqu’on a une vision erronée du salafisme, on peut être entouré de salafistes sans même s’en rendre compte. Cela me rappelle l’histoire d’un vieil homme qui passait son temps à maudire un savant salafiste, alors qu’il ne l’avait jamais vu ni entendu.
Or, sans le savoir, il appréciait régulièrement les sermons et conférences de ce même savant, que son fils – disciple du religieux – lui faisait écouter à dessein, sans lui révéler l’identité de l’orateur. Ce n’est qu’après avoir découvert la vérité que le vieil homme regretta ses paroles, réalisant que les accusations portées contre ce savant étaient infondées et visaient simplement à empêcher les gens de profiter de son savoir.
En écoutant le ministre, on pourrait croire qu’être salafiste signifie emprunter une mauvaise voie. Comme si donner naissance à un enfant salafiste était indigne d’une mère vertueuse. Nous n’osons imaginer la réaction des dignes et pieuses mères de salafistes en entendant de tels propos.
Quelle offense ! Nous nous indignons face à ces paroles… Nous pensions que, depuis l’alternance, de tels discours appartenaient au passé. Hélas !
Le ministre ignore peut-être que des salafistes ont soutenu son candidat et ont voté pour lui. Non pas parce qu’il est salafiste – loin de là – mais parce qu’ils se retrouvent dans plusieurs des valeurs incarnées par PASTEF et ses leaders : patriotisme, sens du sacrifice, responsabilité, équité, refus de la soumission aux lobbies et aux systèmes mafieux…
D’ailleurs, jamais le manifeste de PASTEF n’a prétendu enseigner la religion aux Sénégalais ni leur dicter comment la pratiquer. Ce n’est ni son domaine de compétence ni son objectif.
Nous avons cependant apprécié l’usage intelligent de versets coraniques et de hadiths du Prophète (paix et salut sur lui) dans le discours de certains nouveaux acteurs politiques.
Il est néanmoins amer de constater qu’aujourd’hui, de nombreux intellectuels ont une connaissance superficielle, voire erronée, du salafisme. Ils se contentent souvent de la version véhiculée par les médias occidentaux, teintée de manipulations et de contrevérités.
C’est dans cette optique que nous avons écrit et publié Salafisme et Convictions, afin d’éveiller les consciences, clarifier certains concepts, rétablir la vérité et déconstruire les idées reçues imposées par l’Occident. Nous recommandons vivement cet ouvrage à tous les intellectuels honnêtes.
« Les confusions et illusions fondées sur l’ignorance et la passion nous ont poussés à ressentir la nécessité d’apporter des réponses et des éclaircissements sur ce qu’est véritablement le salafisme. D’une part, pour aider les musulmans à ne pas tomber dans le piège de la propagande occidentale. D’autre part, pour répondre comme il se doit aux propos diffamatoires injustement tenus à l’encontre du salafisme. »
Extrait de Salafisme et Convictions, page 19, Éditions Les Artiges.
Alioune Badara Mbengue
Professeur de lettres,
Imam à la mosquée de l’UCAD,
Auteur du livre Salafisme et Convictions
✉️ aliounebadaram@yahoo.fr
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