Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil, cette main tendue du Président aux patrons de presse, à quelques encablures de l’élection présidentielle prévue ce dimanche 24 mars 2024.
Accepter une renonciation de la dette fiscale des entreprises de presse (estimée à plus 40 milliards), par le chef de l’Etat, à l’issue d’une audience au palais et à moins d’une semaine du scrutin présidentiel, n’est pas ÉTHIQUE !
C’est un coup porté au principe d’impartialité et d’objectivité de la presse.
Difficile, certes, de renoncer à une telle largesse, une telle manne, sachant la précarité économique qui prévaut dans le secteur de la presse au Sénégal.
Une précarité qui est le principe de fonctionnement des entreprises de presse. Il ne s’agit plus d’un constat. C’est un truisme ! Des rémunérations souvent irrégulières et parfois quasi inexistantes.
Résultat : des professionnels des médias se retrouvent dans une situation délicate qui fait d’eux des éléments zigzaguant, face à une situation économique et sociale faite de manques et qui les exposent à toutes les tentations.
Dans cette situation, nombre sont les journalistes qui n’hésitent pas devant des propositions financières de personnages ou d’organisations qui cherchent à obtenir l’attention du public, à pratiquer un journalisme de commande.
Invités aux événements officiels, assemblées générales, conférences, réunions de clôture, ateliers, ils reproduisent fidèlement les propos célébratoires des hôtes, sans le moindre exercice critique que requiert le traitement de l’information.
Malheureusement, les employeurs ou patrons de presse jouent sans vergogne sur la vulnérabilité de leurs employés, journalistes.
De nombreux postes de travail sont affectés en permanence à une main-d’œuvre flexible, corvéable et malheureusement souvent constituée de profanes dans le métier de professionnels des médias. D’où les dérives à foison dans le secteur.
Eh bien, cette montée inquiétante de la précarité financière des entreprises de presse, le chef de l’Etat Macky Sall, n’est pas sans le savoir. Le premier citoyen du Sénégal sait parfaitement que les entreprises de presse notamment classiques se meurent.
Et, une «amnistie fiscale» ne saurait sauver les entreprises de presse de cette situation économique moribonde.
L’effacement des impôts et taxes dus par les entreprises de presse jusqu’en décembre 2023, ne pourrait faire oublier les rudes épreuves que la presse a traversées sous le régime du président Macky Sall.
C’est sous son magistère, que le préfet de Dakar avait ordonné aux forces de l’ordre de gazer tout le monde, y compris la presse.
Au-delà des attaques physiques des journalistes sur le terrain, une pression s’exerce également sur les groupes de presse privés avec des menaces de coupure de signal ou de retrait de licence. Comme se fut le cas avec la première télévision privée du pays, Walf TV.
Le Sénégal a occupé le cinquième rang dans le recensement carcéral annuel du CPJ, le Comité pour la protection des journalistes. Le pays n’était apparu dans ce recensement que deux fois auparavant, en 2018 et 2022, avant d’emprisonner cinq journalistes a la fin de l’année 2023.
Pour finir, il est utile de rappeler qu’être bien informé est nécessaire aux citoyens pour qu’ils puissent effectuer un choix rationnel, contrôler les gouvernants, évaluer les effets de leurs décisions et juger qui est le plus apte à représenter ses intérêts. D’ici le 24 mars et au delà de cette date, nous osons espérer que nos chers patrons de presse veillent à cette mission hautement cruciale.
Abdoulaye Touré
Journaliste