Mon inoxydable passion du football m’a conduit, toutes activités cessantes, à assister, à nouveau, à une phase finale d’une coupe d’Afrique. Et il me serait difficile de ne pas réagir face à certains commentaires et articles de presse en déphasage avec mon appréciation de la situation. Je perçois cet exercice comme un simple devoir citoyen et m’en voudrais d’attiser un feu ou de complexifier un débat.
Vouloir, de façon récurrente, centrer tous nos débats d’après match sur le coaching risque de ne pas nous permettre d’atteindre l’autre rive. L’émission d’une telle position tient, au moins, aux éléments suivants :
1- Décider du sort d’un entraîneur mérite réflexion. Car une prise de décision qui ne repose pas sur une évaluation objective n’est rien d’autre qu’une simple opinion. Le bon sens recommande une évaluation globalisante fondée sur des termes de référence clairement définis et une analyse des écarts entre ce qui était attendu et ce qui a été fait. C’est une équation sérieuse qui doit être basée sur des éléments concrets et non imaginaires;
2- Mettre un entraîneur au banc des accusés et ignorer qu’il évolue dans un système, c’est, me semble-t-il, ignorer que le résultat sportif est celui d’un système mais pas d’un homme. En d’autres termes, c’est l’agrégation des contributions des différents compartiments de notre sport qui est la résultante de nos performances.
Il nous faut donc abandonner définitivement des approches réductrices, parcellaires en faveur d’approche systémique. Et un système est bien un ensemble d’éléments indissociablement liés et interdépendants. En termes simplifiés, le sport c’est comme une voiture : toutes les pièces y sont importantes, penser qu’une bonne batterie suffit pour rouler c’est choisir de ne pas bouger. J’assimile ce « pauvre entraîneur « à cette batterie.
L’histoire montre que notre pays a eu des footballeurs surdoués et d’excellents entraineurs mais ce n’est qu’en 2022 que nous avons soulevé le trophée continental, tant convoité depuis des décennies. Une des explications susceptibles d’être retenues pourrait être l’absence d’organisation et de méthode. A titre illustratif, le génie Matar Niang n’avait pas été à Asmara, en 1968, tout simplement parce qu’il n’acceptait pas les conditions d’hébergement de l’équipe nationale à l’ENEA. Oui, l’équipe nationale était regroupée dans des salles de classe de cette école et devait y affronter les moustiques.
De retour d’Asmara, l’évaluation portait sur les aspects techniques et les graves manquements logistiques royalement ignorés. Apprenons à faire des analyses anatomiques et physiologiques du système sportif en lieu et place d’un procès récurrent de nos coachs, un simple élément de notre environnement ;
3- Si un entraîneur est le seul et unique responsable du résultat, alors point besoin d’avoir une fédération, un ministère en charge du sport, des supporters, etc. Ne devons-nous pas nous prononcer sur la cogestion de notre football, État/mouvements associatifs à l’aune de l’évolution du sport ?
En réalité, nous voulons, à chaque examen, répondre à une seule et unique question dans un champ d’interrogations et espérer passer en classe supérieure. Cette question, c’est la performance de notre entraîneur. C’est bien la plus simple et la plus facile pour répondre :la seule variable d’ajustement est l’entraineur et les éléments du système non concernés.
Notre fédération de football compte de valeureux membres et nous a donné beaucoup de satisfaction. Toutefois, je pense qu’elle doit être plus visible sans trop en faire. Car la préparation mentale concerne les pratiquants mais aussi les autres éléments constitutifs de notre environnement footballistique. Aussi, Il me paraît essentiel d’utiliser davantage le CNOSS, interlocuteur privilégié entre les mouvements associatifs et les pouvoirs publics dans notre quête de performance, peut-être que c’est déjà le cas ;
4- Les statistiques nous apprennent qu’il y a une forte corrélation entre la durée d’un entraîneur et ses performances. A titre d’exemple, le Cameroun, pour la reconstruction de son football, a eu, en 20 ans,16 entraineurs, de Pierre Lechantre à Rigobert Song, contre un entraîneur en 10 ans pour le Sénégal (Aliou Cissé). A l’évidence, les changements intempestifs d’entraîneurs n’ ont pas permis un renouveau du football camerounais ;
5- la qualité de nos infrastructures sportives, le niveau de notre championnat national, le nombre d’écoles de football au km2, le soin accordé aux petites catégories ne sont-ils pas importants pour jauger une performance sportive nationale ?
6- le football doit être approché de façon interdisciplinaire car la prise en charge de ses problématiques appelle plusieurs disciplines dont, entre autres, la biologie, la psychologie, la sociologie, la recherche opérationnelle, les mathématiques, la bioclimatologie, la médecine, le droit, l’économie, etc. Par conséquent, il faut nous entourer de toutes ces compétences pour agir avec célérité, efficacité et efficience.
Le Sénégal est un pays qui compte sur l’échiquier sportif continental et international. Nous devons consolider nos acquis grâce à des évaluations de l’ensemble du système pour élargir nos acquis en vue d’augmenter la valeur marchande de notre football.
Sportivement
Papa Abdoulaye Seck
NDLR : comme toujours, Papa Abdoulaye Seck nous a habitués à des analyses pointues entièrement collées à la rectiligne de la réalité. Sa plume constamment trempée dans l’encrier de la fécondité, nous fait découvrir des vérités que partagent ceux qu’on considère comme des néophytes. Il ouvre aujourd’hui des portes favorables au dialogue fécondant au profit exclusif de notre football qui a fait des avancées significatives ces dernières années . Néanmoins, tout n’est pas rose dans notre football et son environnement, raison pour laquelle il importe de privilégier des échanges davantage critiques que contemplatifs.