Cela fait deux ans, jour pour jour, depuis que notre vénérée grand-mère Seyda Mariama Niass nous a quittés. Dans l’après-midi du samedi 26 décembre 2020, la nouvelle du décès de Seyda Mariama Niass éclata comme un coup de massue. Tristesse et concertation envahissent parents, disciples, proches et sympathisants. Normal, la perte était énorme ! Celle qui venait de nous quitter à joué un rôle inestimable dans tant de vies.
Retour sur la vie et l’œuvre de khaadimatul Qur’aane (la servante du Coran).
Seyda Mariama NIASS affectueusement appelée Yaye Boye Seyda, fille du vénéré Cheikh Al Islam El hadji Ibrahim NIASS, est venue au monde le 24 décembre 1932 à Kossi, localité située à 09 kilomètres de la commune de Kaolack au centre du Sénégal.
Quand on annonça la nouvelle de la naissance de Seyda Mariama NIASS à son père Cheikh Ibrahim NIASS, raconte-t-on, lui précisant que c’était une fille, il déclara qu’il s’attendait à un garçon. «Mais elle vivra et aura sa place parmi les hommes, rivalise avec eux dans la quête du savoir, respectée et pieuse», rapporte-t-on de Baye Niass. Une prédiction qui se réalisera par la volonté d’Allah. Car, toute sa vie durant, Seyda Mariama Niass a œuvré sur les chantiers du Coran et de l’islam tel un homme. Mieux, peu d’hommes sauraient réaliser l’œuvre colossale de cette grande dame. «Jigeen ju meun goor la».
La vertueuse dame est acquise à la cause du Saint Coran et des Sciences islamiques dès le bas âge, suivant ainsi les pas de son valeureux et vénéré père Baye NIASS. Elle se distingue très tôt par son attachement au saint livre qu’elle récite à l’âge de 15 ans. Comme presque tous les fils et filles de Baye Niass, elle apprit le Coran à l’école coranique de Médina Baye, auprès de Ahmad Ould Rabahni, disciple maure de son père Cheikh Ibrahim NIASS. Elle commence l’apprentissage du Coran en 1937. Elle avait 5 ans. Entre 1937 et 1947, elle mémorisa et récita complètement le Livre Saint. L’on rapporte que le jour où elle a récité le Coran après l’avoir mémorisé, son père lui offrit un cheval, une vache et son veau et des bijoux. Très jeune, elle fut maîtresse assistante d’enseignement coranique à Médina Baye. Après l’apprentissage du Coran, elle étudie les Sciences islamiques et la langue arabe auprès de son père Baye NIASS et de son entourage. Entre 1950 et 1952, elle fut professeure d’enseignement coranique dans la Madrassa Cheikh Al Islam de Médina Baye.
En 1952, Seyda Mariama rejoint le domicile conjugal à Dakar, après que son père l’ait donnée en mariage en 1949 à Elhadji Omar KANE, premier «Moukhadam» de Baye NIASS à Dakar, décédé en février 1985. A Dakar, Seyda Mariama commença à enseigner le Coran dans sa chambre. Elle venait de créer son premier Daraa Quran Al Karim, dans l’enceinte de la maison familiale, sise à l’avenue Malick SY. Et ce, non pour gagner de l’argent, mais pour répondre au hadith du Prophète Mouhamed, (PSL): «Le meilleur d’entre vous est celui qui apprend le Coran et l’enseigne.» [Al-Bukhari 5027]». C’est de là-bas qu’est né son amour pour l’enseignement du coran qu’elle initie dans sa propre demeure et qui a rapidement pris de l’ampleur pour devenir un établissement de haut niveau dans le pays et dans la sous région. L’enseignement et la lecture du Saint coran deviennent son quotidien. Elle est d’ailleurs l’une des premières femmes au Sénégal à avoir instauré des «daaras», (écoles coraniques) et enseigné le Saint Coran. Malgré son attachement pour l’enseignement, elle n’a jamais négligé son rôle de femme, d’épouse et de mère.
Elle a beaucoup voyagé avec son père qui disait à ces filles: “Ô vous les filles, rivalisez (avec les hommes) vers le sommet, non par le corps”. Seyda Marieme a bien entendu cet appel du Cheikh Al Islam. A travers ses multiples voyages, elle apprend les sciences coraniques, le soufisme, la grammaire et la littérature arabe, la logique et la rhétorique. Alors qu’elle avait 28 ans, en 1960, Seyda Mariama effectua le premier pèlerinage à la Mecque en compagnie de son père Baye NIASS. Entre 1960 et 1962, elle effectue des voyages d’études dans différents pays d’Afrique anglophone, (Ghana, Nigeria), arabophone, (Egypte, Libye, Maroc…), francophone, (Mauritanie, Niger, Mali), dans le cadre de la Ligue islamique mondiale, (LIM), dont son père le Cheikh Al Islam était membre fondateur. Entre 1962 et 1967, elle accueille des élèves de ces différents pays pour un enseignement coranique. En 1967, elle effectue un deuxième périple à la Mecque. Entre 1967 et 1975, on assiste à l’extension de l’école Dar Al Quran Al Karim sise à Malick SY, et à la diversification des activités de Seyda Mariama qui se lance dans le secteur du transport de personnel et de personnes vers les Lieux Saints de l’Islam, dans le secteur commercial, la couture, la broderie et l’import-export etc.
Dans la même période, elle a voyagé dans plusieurs pays du Moyen Orient. Au début des années 80, avec l’apparition des cassettes vidéo, elle avait l’habitude d’en acheter lors de ses voyages, pour ses élèves. Une fois au Sénégal, elle leur faisait regarder les cassettes qui comportaient des feuilletons et des dessins animés en langue arabe. C’était pour éviter que les enfants déambulent ou partent en salle de cinéma, à leurs heures de pause et les jours où ils n’apprennent pas. A noter qu’à l’époque, la télévision était rare au Sénégal. Elle continue à enseigner le Coran dans sa maison à Dakar. Entre 1975 et 1981, les élèves de Dar Al Quran sont préparés au grand concours de récitation et mémorisation du Saint Coran dans le monde. Ils sont d’ailleurs les premiers au Sénégal à avoir parcticipé au concours international de récital du Saint Coran de Dubaï.
En 1981, alors que le président Abdou DIOUF venait d’accéder au pouvoir, il effectua sa première sortie à Taïba Niassène. Un des élèves de Seyda Mariama Niass, Aly Harazim, qui est maintenant Imam à Strasbourg en France, fut choisi pour réciter le Coran durant la cérémonie d’accueil. Ému par la belle voix et la maîtrise des paroles coraniques par le jeune garçon, le président DIOUF demanda des informations sur le petit. On lui dit que c’est un enfant issu de Dar Al Quran Al Karim, de Seyda Mariama NIASS. Abdou DIOUF s’engagea sur place à appuyer la servante du Coran. Il lui fit des lettres de recommandations la mettant en relation avec beaucoup de pays.
Entre 1982 et 1984, Seyda Mariama fait des périples à la recherche de financements dans les pays arabes. Avec l’aide du président Abdou Diouf, Cheikha Marième et sa délégation ont pu entreprendre un périple dans 17 pays Islamiques d’octobre 1986 en avril 1987. Il s’agit entre autres du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte, de l’Oman, du Qatar, des Emirats Arabes Unis, de l’Iran, du Brunei… Les populations de ces différents pays ont découvert avec plus de surprises et d’émerveillement, la qualité de la formation. Pratiquement, dans tous ces pays, il a été fait honneur à Seyda Marième et sa délégation d’animer des émissions radiotélévisées avec pour thème central l’enseignement du Coran et les moyens de le développer. Des voyages durant lesquels elle fut accompagnée de son fils aîné et secrétaire particulier de Dar Al Quran, Cheikh Ben Oumar KANE. Ce dernier a accompagné sa vertueuse mère dans tous ses combats depuis 1983. En 1984, Seyda Mariama effectue la pose de la première pierre de son complexe islamique.
En 1985, elle organise une Journée de réflexions sur l’enseignement coranique. L’objectif de cette journée était de relever le défi ainsi lancé car Cheikha Marième a eu à faire face à une attaque en règle dirigée contre l’institution même du «daraa», présenté comme étant la cause de la déperdition de l’enfance, de la mendicité et de toutes formes de l’inadaptation infantile. Elle vouler aussi montrer, qu’en fait, de tout temps, l’éducation religieuse a été le ciment de notre personnalité culturelle et la source qui a inspiré les grandes figures de l’islam sénégalais dans leur résistance patriotique contre la colonisation et l’assimilation culturelle.
En 1986, la télévision nationale du Sénégal fait un reportage sur l’école Dar Al Quran de Seyda Mariama NIASS. Cet important reportage a permis de lever un coin de voile et dont la portée est telle que l’effectif du DAARA s’en est trouvé multiplié par 6 (six). Le public a pu apprécier concrètement l’action d’éducation menée par DAR AL QURAN, et la nécessité de la supporter et de la développer. Dans la même année, les autorités lui délivrent l’autorisation de l’association Dar Al Quran Al Karim. En 1987, elle voyage dans les pays du Golf : Koweit, Oman, Abou Dabi etc. Durant l’étape d’Abou Dabi la capitale des Emirats arabes, elle a décliné l’importante et avantageuse offre de l’épouse du Roi d’alors Zayed ben Sultan Al Nahyane, Cheikha Fatima. La Reine, après avoir écouté le beau récital de Coran du très jeune Ali Harazim élève de Seyda Marieme, lui avait proposé de rester à Abou Dhabi pour enseigner le Coran à des enfants qui était sous sa tutelle. «Houbul watani minal imaan», (aimer sa patrie fait partie de la foi), avait poliment répondu Seyda Marieme NIASS à Cheikha Fatima. Elle avait préféré servir son pays. Il faut aussi souligner les nombreuses sollicitations dont la fondatrice de Dar Al Quran a fait l’objet dans les différents pays où la délégation est passée pour donner des Conférences et des Causeries sur les femmes et les enfants ainsi que différents sujets présentant un intérêt social.
C’est durant cette même période, précisément en 1988, qu’elle achète sa maison de Mermoz, qui fait en même temps office de «daara», sur subvention du président algérien Chedli Benjedid, et plus tard, fonde le Complexe scolaire franco-arabe Keur Sultan Ben Abdoul Aziz Al Saoud, communément appelé école Mariama Niass, sis sur l’autoroute à la Patte d’Oie. C’est aussi le président Abdou DIOUF, qui lui a offert le terrain qui abrite cette école. La construction de ce dernier établissement a été surtout motivée par le fait que les apprenants étaient nombreux dans ses « daaras » en période de vacances, mais rares durant l’année scolaire. Cette situation rendait triste Seyda Mariama qui décida de mettre sur pied cette école bien connue des Sénégalais pour la qualité des enseignements qu’on y délivre et les bons résultats enregistrés lors des examens.
En 1989, Seyda Mariama organise une Journée séminaire du Coran, suivie de l’inauguration de la maison de Mermoz. Dans la même année, elle participe à une médiation entre le Sénégal et l’Iran, qui aboutit à une reprise des relations diplomatiques entre les deux pays. En 1990, elle ouvre un centre d’enseignement coranique et arabe, (système internat), à Sacré-Cœur à Dakar, abritant plus d’une centaine d’élèves de plusieurs nationalités. En 1991, elle organise la troisième Journée du Coran à la Foire internationale de Dakar dans le cadre des activités préparatoires du Sommet de la Conférence islamique.
Toujours en 1991, la plus grande entreprise de travaux publics d’Arabie Saoudite, AL OWEIDA recrute 400 travailleurs sénégalais sur une période allant de 1991 à 1996, et ce, grâce aux bons offices de Seyda Mariama NIASS. En 1992, les élèves de Dar Al Quran participent au concours mondial des meilleurs récitateurs du Coran à Djeddah, (Arabie Saoudite). Dans la même année, elle obtient le financement de la première partie du Complexe Cheikh Al Islam par le prince héritier saoudien Sultan Ben Abdoul Aziz Al Saoud.
En 1993, elle construit un établissement préscolaire et élémentaire, destiné à l’enseignement classique et islamique. Le Collège Arabe Cheikh Al Islam fut ouvert dans la même année. En 1994-1995, on assiste au démarrage de l’école franco-arabe Sultan Ben Abdoul Aziz avec un cycle préscolaire, élémentaire et autorisé par un arrêté ministériel numéro 0082/MEN/DEP du 03-01-1995. L’enseignement y est bilingue : en Français pour l’enseignement général et en Arabe pour l’éducation islamique. En 1996, l’école est reconnue par décret présidentiel numéro 96834 du 08 octobre 1996. Grâce à la belle image qu’elle a présentée du Sénégal (Gouvernement et populations confondus), Seyda Marieme a sans doute contribué au décernement pour le président Abdou DIOUF du Prix pour services rendus à l’Islam, par le gouvernement Saoudien, en 1998.
Yaboye Seyda ne s’arrête pas en si bon chemin. En 1999, elle participe à la médiation entre le Sénégal et le Soudan, qui aboutit à la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays dans la même année. C’est également en 1999 que les élèves de Seyda Mariama participent pour la première fois au Concours international du Coran de Dubaï, qui se fera annuellement jusqu’en 2005. En 2000, elle démarre l’expérience d’organisation annuelle de colonie de vacances pour les élèves de Dar Al Quran Al Karim. La première expérience démarre avec l’Arabie Saoudite, la Mauritanie, l’Egypte et enfin le Maroc en 2007. Cette action vise à mettre en œuvre une pédagogie contribuant à ouvrir l’esprit des élèves sur le monde islamique et ce faisant, à en faire des citoyens capables de comprendre l’autre et d’établir avec lui un partenariat. Dans la même année 2000, l’arrêté ministériel numéro 0100455/MENTFP/DEP du 27-11-2000, portant extension de l’école pour comprendre un cycle moyen secondaire, est pris. En août 2000, le prince Naef Bin Abdel Aziz, au cours d’une visite au Sénégal, accorde à Seyda Mariama NIASS une subvention qui permet de construire le cycle moyen secondaire et de doubler le nombre de salles de classe.
En 2004, la grande chaîne de télévision qatarienne Al-Jazeera se déplace au Sénégal pour avoir un entretien avec Seyda Mariama Niass et faire un reportage sur le travail colossal qu’elle effectue dans l’enseignement coranique.
En janvier 2007, le gouvernement de la République islamique de Mauritanie met à la disposition de Dar Al Quran une mission de coopération composée de quinze (15) instituteurs, dix (10) professeurs dans différentes disciplines et deux (02) inspecteurs, pour couvrir l’ensemble des besoins en enseignement arabe et en éducation islamique des cycles élémentaire et moyen secondaire.
Comme son illustre père le Cheikh al islam Elhadji Ibrahim NIASS qui a été un fervent défenseur de l’Islam, Seyda Marieme NIASS la servante du Coran a voyagé dans plusieurs pays du monde avec pour mission d’enseigner et de propager le Saint Coran. Elle a reçu de nombreuses distinctions au niveau national et sur le plan international :
– En juin 2007 : Seyda Mariama NIASS est retenue pour faire partie des 300 personnalités islamiques mondiales invitées par l’Université de Cambridge sous l’égide du gouvernement pour faire entendre la voix de l’Islam et œuvrer à l’instauration d’un dialogue islamo judéo chrétien dans le cadre de la conférence sur l’Islam et les musulmans dans le monde d’aujourd’hui, tenue les 04 et 05 juin à Londres ;
-En septembre 2007, elle est désignée lauréate de la fête de l’Excellence qui récompense les meilleurs élèves en classe de CM2 au Sénégal et reçoit le prix de Leadership féminin en matière d’éducation des mains de la Première dame Madame Viviane WADE, présidente de la Fondation Education Santé et du ministre de l’Education nationale, Moustapha SOURANG.
-En mars 2008, Dar Al Quran reçoit la visite du Secrétaire Général de la Ligue Islamique Mondiale, à l’occasion de l’organisation des Journées du Coran.
-Le 18 avril 2013, Seyda Mariama reçoit le Diplôme d’honneur décerné par le Groupe Fallou Gallas International Magazine Multimédia, pour son courage et sa détermination dans les vastes champs de l’Islam ;
-Le 16 décembre 2013 : remise de la décoration de l’Ordre national du Mérite par le président Macky SALL à Seyda Mariama NIASS.
Les relations de Seyda Mariama NIASS avec la famille royale d’Arabie Saoudite sont une continuité de la grande diplomatie qu’entretenait son père avec le monde. Le roi Fayçal Ben Abdelaziz Al Saoud avait des relations particulières avec Baye Niass. Il y a aussi le fait que Cheikh Baba Lamine NIASS qui est frère de Seyda Mariama, a été Consul du Sénégal à Jeddah. Le prince Sultan Ben Abdelaziz Al Saoud dont l’école sur l’autoroute porte le nom, a beaucoup aidé Seyda Marieme dans la construction du complexe scolaire.
Yaboye Seyda entretenait également des relations particulières avec l’homme d’Etat et ex président de l’Assemblée nationale, Monsieur Moustapha Niass, ce, depuis leur jeunesse. « Depuis que Moustapha NIASS fut étudiant à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, jusqu’au moment où je vous parle, il n’a jamais cessé d’assister Seyda, aussi bien sur ses activités que sur sa famille que nous sommes », confie Seyda Assy Kane, fille aînée de la vertueuse dame. Son fils, Monsieur Ousmane Oumar Kane, est Professeur titulaire de Langues et Civilisations du Moyen Orient à l’Université d’Harvard aux États-Unis, et premier Professeur titulaire de la Chaire Islam et Sociétés Musulmanes Contemporaines, dans cette Université réputée.
Les relations de Seyda Marieme NIASS avec les autres foyers religieux du Sénégal sont excellentes. « Je me rappelle quand Serigne Mourtada Mbacké fut rappelé à Dieu, je l’ai accompagné à Touba pour présenter nos condoléances. Serigne Mame Mor MBACKE Mourtada était très content de cet acte. Après nous avoir bien accueillies et choyées, il nous a raconté que quand son père fondait Al Azhar, Baye NIASS y avait participé », confie Seyda Assy KANE.
Baye NIASS avait confié Seyda Marieme à Mame Abdou Aziz SY «Dabakh». Le défunt khalife général des Tidianes, était un deuxième père pour elle. Ce que le Wolof appelle «Bayalé». Seyda Marieme ne partait jamais en voyage sans pour autant lui demander la permission. «Une fois, ma mère devait partir en voyage. Comme d’habitude, elle alla voir Mame Abdou pour le lui dire. Mais elle ne le trouva pas à Tivaoune. Elle part alors à Diacksao où se trouvait le religieux. Sur place, Mame Abdou réunit ses filles et leur demande de préserver les relations avec leur aînée Seyda Mariama. Ma mère pleura, car elle sentit que Dabakh lui faisait ses adieux. Au cours de son voyage, on l’appela pour lui annoncer le décès de Mame Abdou Aziz SY Dabakh», raconte sa fille aînée.
Seyda Marieme a aussi rendu visite au khalife des Mourides, Serigne Saliou MBACKE. Ce dernier lui avait dit qu’il souhaitait lui donner un terrain à Touba pour la construction d’un « daara ». Un vœu qui ne se réalisera malheureusement pas. Quand Serigne Saliou fut rappelé à Dieu, Seyda Marieme est partie à Touba pour présenter ses condoléances. C’est là que le défunt khalife Serigne Bara Falilou qui avait succédé à Serigne Saliou sur le khalifat, lui a fait savoir que c’est lui qui est l’auteur de la photo où on voit Serigne Fallou en compagnie de Baye NIASS, tous deux discutant et souriant. Elle avait également des relations particulières avec Serigne Modou Bousso DIENG. Elle a d’ailleurs des liens de parenté avec ce dernier, du côté de sa mère Aissatou SARR.
Aujourd’hui, il est difficile d’estimer le nombre de personnes qui ont appris et mémorisé le Saint Coran auprès de Seyda Marieme Niass. Il est rare d’entrer dans un service quelconque au Sénégal, sans y trouver une personne formée à Daar Al Quran Al Karim, ou un fils d’une personne issue de cette prestigieuse école. Éducatrice hors pair, elle aura enseigné les Saintes Ecritures à des milliers de personnes (Sénégalais et étrangers). Elle a su s’imposer dans un domaine qui était jusque-là dominé par les hommes : l’enseignement du Coran et des préceptes de l’Islam. Certains de ses élèves sont devenus des Imams de grandes mosquées à travers le monde. D’autres continuent d’enseigner le Coran dans ses différents «daaras» et au Complexe scolaire Sultan Ben Abdoul Aziz Al Saoud. Il sera difficile, voire impossible qu’une femme réussisse ce qu’elle a réalisé : un empire coranique qui s’agrandit suivant les époques et les générations.
Deux ans après sa disparition, l’œuvre de Seyda Mariama Niass se perpétue à travers ses fils, petits-fils, élèves et disciples.
Le complexe scolaire Keur Sultan Ben Abdoul Aziz Al Saoud (Ecole Mariama Niass) qui est l’une des premières écoles enseignant le système franco-arabe au Sénégal, est administré par son fils aîné Ben Omar Kane et son petit-frère, Mouhamed. Réputée pour ses bons résultats, cet établissement doit aussi sa notoriété à l’enseignement arabe et coranique de qualité qui y est délivré. Un système bilingue qui a d’ailleurs inversé la tendance, rivalisant de bons résultats avec les écoles privées d’enseignement scolaire unique les plus célèbres.
Deux des filles de Seyda Mariama Niass, Seyda Assietou Kane et Seyda Adji Kane, gèrent des « daaras » à Dakar, suivant ainsi les pas de leur illustre mère.
Le Coran retentit au quotidien dans les différents « daaras » fondés par Seyda Mariama au Sénégal et ailleurs. L’éducation islamique et les valeurs qu’elle a inculquées à pas mal de générations, continuent de servir de guides et d’exemples à la grande famille Dar Al Quran Al Karim.
La servante du Coran peut dormir tranquillement là où elle est car le legs est entre de bonnes mains.
Coumba Ndoffène Diouf
Journaliste, élève de Seyda Mariama Niass