Dakarmidi – D’abord, l’économiste a salué cette intervention du député français Jean-Paul Lecoq. Parce que, dit-il, l’histoire a fait de la France un des protagonistes du franc Cfa et que cette intervention a permis de poser le débat de sa réforme dans un des plus hauts lieux de décision de cette partie prenante.
Ensuite, ajoute M. Seck, cette intervention a permis de placer le curseur sur un point essentiel présent au sein des opinions publiques ouest-africaines et qui peut expliquer le relatif manque d’adhésion populaire à l’initiative d’une monnaie Eco-Uemoa.
Il faut reconnaître, selon lui, qu’entre le discours officiel et le ressenti populaire des rues publiques ouest-africaines, il y a un fossé. « Si, d’un côté, les autorités étatiques présentent cette réforme de l’Éco-Uemoa comme une avancée majeure allant dans le sens de redéfinir les rapports de coopération monétaire entre les pays d’Afrique de l’Ouest francophone et la France, il faut reconnaître, de l’autre, que les opinions publiques africaines, notamment celles urbanisées, voient à travers cette réforme, à tort ou à raison, un vulgaire saupoudrage afin d’amadouer les rues africaines, alors qu’en réalité, la France exerce toujours une mainmise sur la stratégie monétaire des pays ouest-africains francophones », a soutenu Abdoulaye Seck.
D’après l’économiste, « cette réforme du franc Cfa peut être source de dangers. Je préfère cependant plutôt parler de risques que de dangers. Et le risque qui, à mon avis, se pose avec le plus d’acuité, dans le cadre de la réforme du Cfa, est celui de la dislocation de la Cedeao. Il suffit, pour cela, de parcourir les discours actuellement portés par l’élite politique, intellectuelle et économique dans certains pays non-francophones d’Afrique de l’Ouest. L’intelligentsia, dans ces pays, voit à travers cette décision unilatérale des pays de l’Uemoa, une forme d’incapacité des anciennes colonies françaises à se détacher définitivement de la tutelle de Paris. Ils ont évidemment tort et leur position n’est qu’une vue de l’esprit. Mais c’est leur perception et le déficit d’explications des autorités de l’Uemoa tend à les conforter dans leur position.
« En réalité, l’espace ouest-africain est aujourd’hui traversé par une crise sans précédent, du fait d’une guerre de leadership à laquelle se livrent la Côte d’Ivoire et le Nigeria ».
Toujours dans le même registre d’idées, l’économiste a indiqué que l’abandon du Cfa étant devenu inéluctable et la monnaie communautaire étant déjà inscrite dans les agendas, chacun des deux pays cherche à réussir le coup double de l’Allemagne avec l’euro : passer d’une monnaie nationale à une monnaie communautaire, en conservant tous les avantages de la monnaie nationale et en abandonnant tous ses points faibles à l’entrée de la Banque centrale communautaire.