La dette du Sénégal, longtemps sujet à polémique dans le pays, suscite une forte inquiétude de la part des partenaires étrangers. Surtout depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19. En effet, les mesures sanitaires, économiques et sociales prises pour limiter la propagation et les conséquences de la maladie ont fortement affecté l’économie du pays. La dette en particulier.
Dans sa décision de maintenir la note Ba3 du Sénégal, rendue publique le 7 août, l’agence Moody’s a exprimé sa vive préoccupation quant à la soutenabilité de la dette du Sénégal.
« Les perspectives négatives reflètent les risques associés à la charge de la dette relativement élevée de l’administration centrale, que Moody’s s’attend à atteindre environ 65% du PIB en 2021, contre 56% en 2019 et 325% des revenus. Le choc du coronavirus exacerbe une tendance à la hausse du fardeau de la dette qui a commencé avant le choc », s’inquiète l’agence de notation.
Selon Moody’s, ce trajectoire d’endettement pour une économie telle que celle du Sénégal dotée de « faibles niveaux de richesses » réduit les capacités de faire face aux chocs. Ce qui augmente les risques et oblige ainsi le gouvernement à plus de mesures de soutien. Autrement, le pays pourrait s’endetter davantage pour aider l’économie.
Et pour éviter de recourir au marché financier – ce qui affecterait davantage la solvabilité du Sénégal –, le pays devrait avoir une plus grande capacité de mobilisation des ressources intérieures par le biais de l’impôt. Or, à ce niveau, Moody’s doute des capacités de Macky Sall et son équipe à atteindre les objectifs poursuivis.
« Le faible PIB par habitant, à environ 3900 dollars en 2019 (en termes de PPA), indique une base de revenu imposable limitée pour porter le ratio impôts / PIB au niveau cible de 20% (environ 17% avant la pandémie) au cours des trois à cinq prochaines années… », soutient Moody’s.
En plus, prévient l’agence américaine de notation, tout retard dans l’assainissement budgétaire «rendrait le fardeau élevé de la dette du Sénégal vulnérable à de nouveaux chocs ».
Par ailleurs, bien avant Moody’s, c’est le Fonds monétaire international (Fmi) qui avait exprimé, en premier, sa préoccupation, le 17 juillet 2020, lors de la revue du programme économique du Sénégal. En fait, le Sénégal connait, en 2020, un déficit budgétaire de 6,1% du Pib, loin des 3% définis par les critères de convergence de l’Uemoa.
Ce qui fait dire à l’institution internationale que Dakar devra rapidement faire des efforts pour revenir à un déficit de 3% du Pib. « Une fois que la situation se normalisera, il sera essentiel de mener une politique budgétaire bien ancrée et solide à moyen terme pour assurer la viabilité de la dette et la stabilité régionale », recommande le Fmi.
Reste à savoir si les tenants du pouvoir vont opposer à Moody’s et au Fmi les mêmes arguments servis à l’opposition et à la société civile : à savoir soit qu’il s’agit d’un endettement utile destiné à l’investissement, soit que le niveau de la dette n’est pas un problème, puisque même les pays développés frôlent les 100% du Pib.