Dakarmidi – Quarante jours sans eux! Déjà…Un chapelet de jours égrenés dans la profonde reconnaissance, au Créateur de toutes choses d’avoir réuni, ceux qu’Il avait unis, en une sublime dernière valse en deux temps pour rejoindre l’Eternité: mon père et ma mère ont été rappelés à Dieu à vingt-quatre d’intervalle…
Par delà la douleur, la sublime beauté de la révérence éclate et donne un sens à nos pieuses espérances.
À l’aune de leur vie, qui façonnera pour toujours chaque seconde de nos existences, le temps qui passe nous donne la pleine mesure de la force des souvenirs heureux. Ils conservent vifs les instants, les moments dont la somme constitue, pour tous ceux qui les ont connus et aimés, une source intarissable de Grâces.
Ils nous est, en effet, presque impossible de parler de nos parents au passé tant leur impact sur nos vies, nos mots, nos gestes au quotidien est indélébile, impérissable . Ceux qui ont connus et côtoyés le Professeur Ibrahima WONE et son épouse Fatimata LY, parents et alliés en ont parlé, et écrit de si belles choses, que mon propos de fils aîné ne se réduira qu’à partager quelques leçons retenues de leur traversée, sans véritables accrocs, d’une vie de foi faite de labeur et d’abnégation. La vie d’un couple exemplaire fondé sur l’incarnation, au quotidien, de Valeurs negro-africaines et islamiques irradiant une culture universelle avérée et domestiquée.
Mon Père était un Savant: agrégé de Médecine il maniait, entre autres, la langue française à sa guise. Jonglant avec les mots et faisant danser les verbes à tous les temps, surtout du subjonctif, il donnait du rythme et de la couleur aux jurys de thèse qu’il présidait. Faisant salle comble à chaque fois, il avait le bon goût de faire de cet instant unique, qui sanctionne la fin d’études longues et difficiles, un moment inoubliable en présence des parents, amis et alliés de l’impétrant…Ma mère était souvent au premier rang de l’amphithéâtre de la faculté de médecine: discrète et distinguée, mais si belle! Elle est toujours restée à l’ombre pour faire de la lumière à mon père, dans la pure et haute tradition du Fouta authentique. N »est-ce pas le rôle de l’ombre que de révéler la lumière? Mission accomplie Yaaye booy!
C’est ainsi que, parlant de nos parents, je ne parviens pas à les diviser en deux tant ils étaient un. Unis et indivisibles. Ils nous ont tout donné. Ils nous ont tout appris. En tous cas l’essentiel: En me dédicaçant sa thèse de médecine en 1957, mon père m’a donné une boussole pour la vie en disant: » A mon fils, Amadou Tidiane, pour lui apprendre le moment venu, que c’est au bout de l’effort et de l’ascèse que se trouvent l’essor et le triomphe. » Par cette phrase qui est mon viatique et ma torche dans les moments difficiles et sombres, j’ai appris à donner du sens aux choses de la vie. Surtout lorsque, soixante ans plus tard, il me donnera les mots clefs pour décoder le précieux mystère occulté dans sa maxime: « C’est au bout de l’effort (physique) et de l’ascèse ( morale) que se trouvent l’essor (spirituel sur terre) et le triomphe ( dans l’au-delà, destination finale ). » Il me guida ainsi hors du labyrinthe des fausses certitudes temporelles, mirages furtifs et évanescents qui fascinent et égarent…
Mon père était ponctuel! C’est la qualité la plus intransigeante de sa personnalité. Respect scrupuleux des horaires de prières et des rendez-vous, donnés ou pris, fut-ce une année a l’avance!
Mon père était travailleur: il a entrepris tout seul de mémoriser le Saint-Coran en conduisant, simultanément, une carrière de haut fonctionnaire émérite et de médecin pratiquant au confluent de relations familiales complexes et exigeantes. Il était pourtant présent partout où il le fallait. Il ne lui restait donc pas de temps pour le superflu. Première leçon: ne jamais perdre son temps.
Mon père était généreux de son Savoir, prodigue de ses moyens et constant dans ses choix. Rien ni personne ne pouvait le dévier des principes directeurs de son existence. Savoir ce que l’on veut et s’y tenir. Leçon deuxième.
Ponctuel, travailleur, généreux, mon père était exigeant! D’abord avec lui-même! Et c’est la condition essentielle pour pouvoir l’être avec les autres. Troisième leçon: il faut commencer par faire ce que l’on souhaiterait que les autres fassent. S’astreindre à donner le bon exemple en toutes choses. A titre d’exemple, mon père est parti en Chine étudier l’acupuncture. À l’orée de la soixantaine… D’une part pour ajouter un avantage comparatif à sa pratique de la médecine, mais aussi pour aller au fond d’une injonction islamique: » Allez chercher la science jusqu’en Chine » .
Mon père était cohérent. Ces qualités, tournées vers l’adoration exclusive d’Allah, ont donné à mon père, au fil du temps, la liberté du Soumis inconditionnel au Seul Maitre qui vaille. Cette Liberté est la Seule qui mérite le sacrifice de tout ce qui n’est pas Lui. Mon Papa nous l’a appris. Je vous le dis. En guise de partage.
Ma mère était bonne et douce, aimante et aimable. Au plus profond de la douleur de la maladie qui l’a emportée, elle a pu me décocher un sourire si chargé d’Amour que j’en ressens encore et toujours l’ivresse. Elle me faisait ainsi le don ultime d’une image qui illuminera à jamais mon cœur. Jaaraama Yaay booy!
Qu’Allah pardonne à nos parents tous leurs pêchés et veuille bien déverser les flots de Sa Miséricorde infinie sur eux et leurs descendants.
Amadou Tidiane WONE