Dakarmidi – L’annonce par l’Afrique du Sud de se retirer de la Cour pénale internationale, une semaine après une décision similaire au Burundi, est un camouflet pour ce premier tribunal permanent chargé de juger les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides.
– Est-ce le début de la fin pour la CPI? –
Le départ de l’Afrique du Sud, partisan historique de la CPI, est un « coup dur » pour la Cour mais il ne signifie pas pour autant la fin de l’organisation, selon les experts.
« C’est une très mauvaise nouvelle pour la Cour mais la justice internationale, tout comme la CPI, a toujours eu des hauts et des bas : elle ne va pas disparaître », a assuré à l’AFP Alex Whiting, professeur de droit à l’université d’Harvard.
« Un tel départ est prévu dans le traité », rappelle Aaron Matta, chercheur au sein de l’Institut de La Haye pour une justice mondiale : la décision de Pretoria « est un message fort mais au final, la CPI existe pour les victimes et non pour ceux au pouvoir qui décident de ratifier ou non un traité ».
– Ces décisions vont-elles provoquer une « vague de départs »? –
S’il semble que le vote du parlement burundais « a ouvert la vanne », selon M. Whiting, cela ne signifie pas que de nombreux autres pays parmi les 124 Etats parties lui suivront le pas.
« D’autres pays pourraient suivre mais en même temps, le Gabon vient de demander l’ouverture d’une enquête », a ajouté Mark Kersten, chercheur en droit pénal international à l’université de Toronto. « C’est très improbable de voir un retrait à l’échelle du continent. »
En septembre 2013, les députés kényans avaient demandé que leur pays se retire du Statut de Rome mais le gouvernement, dont les deux têtes étaient alors poursuivies à La Haye, n’avait jamais pris de mesures concrètes sur la question.
– Cela signifie-t-il la fin des 10 enquêtes? –
Non. Les enquêtes menées par la CPI se trouvent toutes dans d’autres pays que ceux annonçant leur retrait.
Et même si ces pays décidaient de quitter la Cour, le Statut de Rome prévoit « que cette action prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue » et que le retrait « n’affecte en rien la poursuite de l’examen des affaires que la Cour avait déjà commencé à examiner avant la date à laquelle il a pris effet ». Les obligations financières et de coopération ne sont pas non plus affectées.
– La CPI va-t-elle élargir ses enquêtes en dehors de l’Afrique? –
La plupart des enquêtes de la CPI sont en Afrique car la procureure, qui ne peut agir que si elle est compétente, « doit suivre les éléments de preuves », assure M. Matta.
La procureure a récemment ouvert une enquête sur la guerre d’août 2008 ayant opposé Géorgie et Russie en Ossétie du Sud, sa première en dehors de l’Afrique. Et elle continue de mener des examens préliminaires en Colombie, Afghanistan, Irak et Palestine, notamment.
« C’est frustrant que l’Afrique du Sud ait décidé de se retirer maintenant, au moment même où la Cour semble élargir son intérêt dans les crimes les plus difficiles à poursuivre en dehors de l’Afrique, dans des endroits où des Etats occidentaux sont impliqués », a ajouté M. Kersten.
Depuis longtemps, la CPI fait face à des accusations de « chasse raciale » mais pour les experts, le sujet est clair : la CPI n’agit que là où elle a compétence, soit de la propre initiative de la procureure dans un Etat membre, comme au Kenya, ou suite au renvoi d’une situation par un Etat membre.
La CPI ne peut enquêter dans un pays non membre qu’avec l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU, comme ce fut le cas pour le Darfour (2005) et la Libye (2011) ou quand un pays reconnaît la compétence de la Cour pour une période déterminée, comme dans le cas de l’Ukraine pour des crimes qui auraient été commis entre novembre 2013 et février 2014.
« Pour moi, les critiques ne visent pas tant la CPI que la communauté internationale », a affirmé M. Whiting : « la raison pour laquelle ces accusations trouvent une résonance, c’est qu’en des endroits comme la Syrie, où des crimes de masse sont commis, il n’y a pas de justice, pas de renvoi de situation (par le Conseil de sécurité) à la CPI ou d’autres instances ».