Dakarmidi – C’EST QUOI UN BUDGET ? (discussion imaginée avec mon ami Ngor, toute homonymie avec des noms connus étant pur hasard)
Vous vous vous souvenez de mon ami Ngor ? Celui qui m’avait interpellé sur la CDC ? Eh bien, je l’ai croisé hier, en fin d’après-midi, accroupi à l’angle de la rue 6, une des rues bourdonnantes de la Médina, l’air pensif, un long bâton de « sothiou » tiré du colatier de sa maison à la bouche, peut-être pour « tromper la faim » en cette période de ramadan.
Lorsqu’il m’a aperçu de l’autre côté de la rue, il fit des bonds dignes de Edwards, le recordman mondial du triple saut, pour me rejoindre et me fit :
NGOR : Salam Dg, ça fait un bail. C’est Dieu qui t’emmène.
Moi : Salam mon Serere préféré, pourquoi donc ?
NGOR : je me posais justement des questions et je pense que tu pourras me donner des réponses.
Je compris alors la position pensive de Ngor de tout à l’heure. Il semblait vraiment préoccupé.
Moi : qu’est ce qui te cause tant de soucis ?
NGOR: peux-tu m’expliquer ce qu’est le budget, particulièrement celui de notre commune. Ensuite qu’est ce qui se passe entre les conseillers municipaux et le Maire. Enfin, mon frère, dis moi, il parait que tu ne peux pas te présenter à la Mairie. C’est vrai ?
Moi : je suis sincèrement heureux que tu abordes ces questions. En tant que Médinois, tu dois toujours t’intéresser à la manière dont est administrée ta commune. Cela montre que les choses changent ici. Merci alors à Martin et aux conseillers qui ont suscité ce débat citoyen. Les véritables questions seront désormais adressées. La politique de la ruse (pas si rusée que ça), de la menace inutile, de l’invective nauséabonde, doit cesser. Les citoyens doivent connaître leurs devoirs mais aussi leurs droits. Merci Ngor.
Je commence par le budget : prenons l’exemple d’un de mes amis, Saer Gueye. Nous sommes à la fin du mois de décembre. Comme chaque fin de mois, il est hanté par les dépenses mensuelles à venir, en janvier.
Il sait qu’il doit trouver un million pour entretenir la famille ou, plus simplement, pour fonctionner mais aussi investir pour la maison qu’il est en train de construire :
• Nourriture : 100.000
• Loyer : 200.000
• 3 pieces Bazin : 50.000
• Scolarité des enfants : 50.000
• Frais de beauté Mme Gueye : 50.000
• Eau, électricité, téléphone et divers : 100.000
• Parents : 50.000
• Achats de ciment et de fer pour son chantier : 400.000
• Total dépenses : 1000.000
Retiens bien qu’il a ainsi des dépenses pour le FONCTIONNEMENT et des dépenses pour l’INVESTISSEMENT qu’il veut faire. C’est important car cela te permettra de comprendre le budget de la Mairie.
Pour dépenser, il lui faut de l’argent ou des ressources ou encore en langage plus évolué des crédits mais c’est ici la même chose. Une partie sera consacrée à l’entretien ou au fonctionnement de la famille (ressources de fonctionnement) et une autre à son investissement (ressources d’investissements).
Saer a déjà perçu 500.000f de salaires. Il sait que sa nièce Fatou Wade, devenue grande commerçante entre Dakar et Dubai, lui donne, chaque mois, 300.000 et que son neveu Happy, émigré à Milan, lui envoie aussi 100.000. Il lui reste alors 100.000 mais il sait que le Crédit Mutuel pourra lui prêter ce montant.
• Salaire : 500.000
• Dons ( Fatou et Happy) : 400.000
• Prêt Credit mutuel : 100.000
• Total des ressources : 1000.000
Récapitulons : Saer a 1000.000 de FCFA de ressources pour des dépenses de 1000.000, on dit que son BUDGET est de 1000.000, le montant des ressources étant toujours égal aux dépenses dans un budget.
Supposons maintenant qu’au cours du mois, Mme Gueye demande à Saer de lui acheter un grand boubou qui coûte 30.000. Saer sera obligé de faire un choix. Il ne va plus acheter un boubou 3 pieces mais un demi-saison de 20.000 et virer les 30.000 à son épouse. C’est ce qu’on appelle VIREMENT.
Supposons aussi qu’à la fin du mois, Saer n’a pas finalement reçu la facture de scolarité des enfants et n’a acheté que 200.000 de fer car le ciment est en rupture.
Il lui reste donc à la fin du mois les 50.000 de scolarité et 200.000 pour le ciment. Il est donc obligé de reporter ces dépenses au mois prochain. C’est ce qu’on appelle REPORT de crédits.
En ce moment des explications, je vois Ngor sursauter et se retourner. Un petit groupe de jeunes parés de jolis gilets orange et vert, avance vers nous, des produits hydroalcooliques à la main. Je reconnais Tapha Féroce, Serigne Bass, Diogob, Blangt, Mame Thierno, Diogop, Fawade, Pape Diedhiou et beaucoup d’autres. Ils nous expliquent qu’ils sillonnent le quartier pour distribuer ces produits et sensibiliser les populations sur les mesures-barrières.
En bon Serere, Ngor demande s’il y’a aussi des dattes à distribuer. Ay mon sérére !
Les jeunes partis, Ngor m’interpelle à nouveau.
NGOR: Merci DG mais quel rapport avec le budget de la Mairie ?
Je t’ai donné cet exemple car, en réalité, le budget de la Mairie est comme le budget de la famille.
La Mairie a chaque année des ressources. Par exemple :
• Les impôts locaux
• Permis de stationnement
• Locations de cantines
• Fonds reçus de l’Etat
Ces ressources servent pour des dépenses notamment :
• Subventions aux indigents
• Subventions aux Asc
• Salaires permanents
• Salaires des temporaires
• Secours aux indigents
• Carburant
• Éclairages
• Frais d’hôtel et de restauration
• Aménagement chaussées
• Infrastructures scolaires
Tu constateras, comme dans le cas de Saer, la Mairie a un budget pour fonctionner tous les ans (Salaires, subventions, frais d’hôtel etc.). C’est le budget de fonctionnement.
Elle fait aussi des investissements dans les écoles et aménage les chaussées. C’est avec le budget d’investissement.
Au cours de l’année, si le conseil municipal juge qu’il faut diminuer le montant consacré aux frais de restaurant pour mieux aider les indigents, il fait, en respectant les procédures, un virement de crédit comme pour le boubou de Mme Gueye.`
Si à la fin de l’année, pour une raison ou pour une autre, la Mairie n’a pas acheté tout le carburant prévu ou n’a pas construit de classes dans une école comme elle le souhaitait, les sommes restantes peuvent être reportées à l’année prochaine.
Donc, il faut retenir quelques termes importants : budget, ressources, dépenses, dépenses de fonctionnement, dépenses d’investissements, virements, reports de crédits.
Si c’est nécessaire, je pourrai reexpliquer.
NGOR : la Mairie de la Médina doit être riche déh, quel était son budget en 2019 ?
Moi : bonne question. Sur la base des documents à ma disposition, il était de 1.295.000.000 dont 1.225.000.000 pour le fonctionnement et 70.000.000 pour les investissements.
NGOR : quoi ? L’écart est énorme. Alors que nous avons besoin d’investissement pour développer notre cité ?
Moi : Chacun apprécie à sa manière. Je voulais quand même insister sur des postes assez sgnificatifs
Pour 2019 :
• Cabinet du Maire : 390 millions dont Secours aux indigents : 240 millions
• Subventions aux Asc : 40 millions
• Indemnités délégués de quartier : 75 millions
• Personnel temporaire pour la collecte des ressources : 320 millions
En 2019, les délégués de quartier ont dû coûter à la Mairie 75 millions et les Asc ont dû recevoir 40millions. Je suis prudent car, je te précise que je n’ai pas encore le compte administratif. Le COMPTE ADMINISTRATIF permet en réalité de voir effectivement les réalisations en recettes et en dépenses.
NGOR : rires. Bientôt, je deviendrai un spécialiste du budget. Dis moi, qu’est ce qui oppose le Maire à certains de ses conseillers ?
Moi : mon frère, il fait presque 19h et je dois rentrer, à cause du ramadan et du couvre-feu. Je t’appellerai demain pour la suite. Je te parlerai aussi de l’ordonnance prise dernièrement par le Chef de l’Etat pour les collectivités territoriales qui, je te le dis de suite, ne crée pas une situation de non-droit, le contrôle de légalité étant encore assuré par le sous-préfet. Bon ndogou mon cher.
NGOR, néo-spécialiste du budget, acquiesça et m’offrit quand même 3 dattes pour la coupure, une fois n’étant pas coutume pour lui le sérére.