La ruée vers la chloroquine fait craindre une rupture au Sénégal qui a officiellement décidé de traiter le coronavirus avec cet antipaludéen. Cette décision intervient moins de trois mois après la fermeture de la seule manufacture pharmaceutique. L’espoir est toutefois permis, avec les assurances des 250 employés envoyés en chômage technique depuis le 15 janvier 2020.
Pendant que le monde s’emballe après les résultats prometteurs du traitement à la chloroquine proposé par le Pr. Didier Raoult pour venir à bout du coronavirus, le Sénégal a officiellement décidé de l’expérimenter. « Nous utilisons l’hydroxychloroquine ou la chloroquine dans le traitement des patients atteints du coronavirus », a révélé le professeur Moussa Seydi, Chef du Service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Fann, qui indique que les résultats sont encourageants.
Depuis, c’est la ruée folle vers les officines, même si des risques ont été signalés dans le cadre d’une automédication. Cette véritable ruée vers la chloroquine et ses dérivées font craindre une rupture au Sénégal. Surtout dans un contexte de fermeture des frontières et de quasi-arrêt des importations.
Une rupture serait le pire scénario, si l’on sait que la seule industrie pharmaceutique du Sénégal, MédiS Sénégal (ex-Sanofi) est fermée depuis le 15 janvier 2020. Les ex-travailleurs (250) envoyés au chômage technique sonnent l’alerte, indiquant que « certains médicaments de la firme (Chloroquine, Paracétamol, Doliprane, Quinine et Terpine) sont utilisés dans le traitement symptomatique du coronavirus ».
Les autorités étatiques et sanitaires sénégalaises avaient pourtant été saisies, à travers un mémorandum datant du 19 décembre 2019. « Les délégués du personnel avaient pris la responsabilité d’alerter le président du Conseil d’administration et les autorités sénégalaises (président de la République, ministre de la Santé et directions rattachées DPM/PNA, ministre de l’Industrie, ministre du Travail) sur la mauvaise gouvernance et le risque sanitaire, en cas de faillite de l’entreprise », indiquent les délégués du personnel dans une note envoyée à la presse.
Interrogé à ce sujet, ce vendredi sur iRadio, le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, déclare que MédiS-Sénégal avait annoncé des pertes cumulées de 5 milliards, pour justifier la fermeture.
« Nous sommes prêts à travailler, si l’État nous réquisitionne »
Aux autorités sanitaires qui craignent une rupture des médicaments utilisés dans le traitement du coronavirus, les ex-travailleurs de MédiS rassurent que « l’usine a toujours la capacité de produire ces médicaments ».
Joint par Seneweb, le responsable hygiène, sécurité et environnement de l’entreprise et délégué du personnel, Seydina Oumar Ndiaye, déclare que le personnel reste à la disposition de l’État du Sénégal, s’il décide de relancer les activités de MédiS Sénégal.
« On est prêt à travailler, si l’État nous réquisitionne. On est prêt pour retourner au travail pour l’intérêt du Sénégal. On produit de la chloroquine depuis des décennies. C’est en 2002 qu’on a cessé d’en produire sur instruction de l’OMS qui a décidé de l’arrêt de fabrication de ce médicament jadis utilisé contre le paludisme. On peut toujours en faire. On a la formule, les machines, l’expertise et le personnel pour produire ce médicament », confie-t-il.
Seulement, il faut préalablement une procédure administrative qui est du ressort de l’État du Sénégal : il s’agit de l’autorisation de mise sur le marché. Le ministre de la Santé dit être à l’écoute du comité scientifique. Et que si jamais celui-ci donne des recommandations allant dans le sens de reprendre la production, l’État va s’y concentrer dans les meilleurs délais.
Production de médicaments essentiels pour les autres pathologies
Les risques de rupture ne concernent pas seulement les médicaments utilisés pour lutter contre le coronavirus. D’autres médicaments essentiels pour d’autres pathologies sont aussi menacés de rupture dans ce contexte de crise mondiale et de fermeture des frontières. Les 250 employés de MédiS se disent disposés à mettre leur expérience à la disposition de l’État du Sénégal pour la production de certains médicaments utilisés par les épileptiques (gardenal, sécobarbital), du fer pour les femmes enceintes et certains antibiotiques.
Il faut rappeler que le Sénégal dépense pas moins de 137 milliards de francs Cfa pour l’importation de médicaments à travers la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna), au moment où la seule usine qui lui garantissait une certaine souveraineté industrielle dans le domaine sanitaire a mis la clé sous le paillasson.