Dakarmidi – Pays pivot d’Afrique de l’Est, le Rwanda permet au Maroc d’accéder à une zone de libre-échange de 26 pays avec un PIB global de 900 milliards de dollars.
Au premier jour de la visite à Kigali du roi Mohammed VI, la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo a estimé que « le moment est venu » pour le Maroc de réintégrer l’Union africaine (UA), quittée il y a plus de 30 ans. Il est d’évidentes raisons pour tenir ces propos. D’abord parce que le Maroc a fait officiellement sa demande d’intégration auprès de l’Union africaine lors du dernier sommet de l’institution en septembre dernier, à Kigali justement. « Nos amis rwandais nous soutiennent. (…) C’est l’écrasante majorité des pays africains qui soutient et applaudit le retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle », a pour sa part estimé le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar.
Kigali, une ville symbole pour le retour du Maroc au sein de l’Union africaine
Il faut d’ailleurs rappeler que c’est à Kigali même, lors du sommet de l’Union africaine en juillet, qu’un message important, adressé depuis Rabat, avait été lu. Le souverain chérifien y avait affirmé que le moment était venu « pour le Maroc de retrouver sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle ». Mohamed VI en avait profité pour signifier que la décision de son pays de réintégrer l’UA ne signifiait pas un renoncement du royaume à ses droits sur ce qu’il considère aujourd’hui comme partie intégrante de son territoire sous l’appellation de Sahara marocain. Une démarche qui revient sur le départ en 1984 du Maroc de l’institution panafricaine de l’époque, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), à la suite de l’admission d’une nouvelle entité, la République arabe sahraouie démocratique, portée par une organisation, le Front Polisario, qui affirmait ainsi sa revendication d’indépendance sous son autorité de l’ex-Sahara occidental sous domination espagnole jusqu’en 1975, date de son annexion par le Maroc à la suite de la Marche verte.
Aujourd’hui, alors que le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, milite pour l’indépendance et réclame un référendum d’autodétermination, Rabat propose comme solution une large autonomie sous sa souveraineté. En tout cas, le Maroc a officiellement demandé, en septembre, à réintégrer l’Union Africaine et ce retour au sein de l’organisation panafricaine doit être validé par un vote au sein de la Commission de l’UA. Quoiqu’il en soit, pour le souverain chérifien, « le contexte du retour du Maroc à l’Union africaine est là… et ces pays-là (comprendre les pays d’Afrique de l’Est) sont importants au sein de l’UA ». Ce voyage est aussi « une manière d’aller vers des pays qui avaient historiquement des positions hostiles aux intérêts du Maroc », a-t-il indiqué, ajoutant qu’ils étaient « considérés comme alliés de l’autre partie », c’est-à-dire de l’Algérie.
Le Rwanda, symbole du déploiement économique du Maroc sur l’est du continent
Au-delà de ces considérations politiques, il y a un fort enjeu économique que de renforcer les relations et le partenariat avec le Rwanda, celui de conquérir des parts de marché dans une région dynamique sur le plan économique à partir d’un pays loué pour sa bonne gouvernance. Faut-il le rappeler, le Rwanda fait partie du chapelet de pays qui ont signé le Traité de libre-échange tripartite (TFTA), résultat du regroupement de trois organisations d’intégration économique. Il s’agit du Comesa, le Marché commun des Etats d’Afrique australe et de l’Est, de l’EAC, la Communauté d’Afrique de l’Est, et la SADC, la Communauté de développement d’Afrique australe. Vingt six pays constituent la « Tripartite » pour une population de 625 millions d’habitants et un PIB global de 900 milliards d’euros. En perspective, il y a la création de tarifs douaniers préférentiels et l’élimination des barrières non tarifaires.
En tout état de cause, pour le moment, le roi du Maroc Mohammed VI qui a retrouvé mercredi le président rwandais Paul Kagame qui lui avait rendu visite en juin dernier, a signé 19 accords bilatéraux, notamment dans le secteur économique. Tout au long de cette tournée, a-t-il précisé, « il y aura des accords pour l’installation de banques pour la coopération financière, pour des projets dans l’industrie pharmaceutique, le logement social, le tourisme, l’énergie solaire… ».
Après le Rwanda, la Tanzanie et l’Ethiopie
Mohammed VI, qui devrait ensuite se rendre en Tanzanie et en Éthiopie – son programme exact n’a pas été communiqué –, espère contribuer à renforcer la présence du Maroc en Afrique de l’Est et défendre sa candidature visant à réintégrer l’UA. Cette tournée « se fait dans une zone qui était jusqu’à présent inaccessible pour le Maroc. On n’a jamais eu de présence, ni diplomatique, ni économique, ni culturelle, ni historique (…), en Afrique de l’Est », a expliqué à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat, un responsable marocain accompagnant le roi. « Au-delà de l’Afrique de l’Ouest et centrale, il faut s’ouvrir à l’Afrique de l’Est et australe, c’est ce qui est en train de se produire », a ajouté ce responsable.
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