Dakarmidi- À l’heure des décorations de façade à la veille de Noël, de la consommation à outrance, des préparatifs des shows de fin d’années en préparation, j’observe ce peuple. Et puis je le vois sous son masque, se lancer dans la préparation de son bal masqué, pour ainsi mieux éviter les questions de l’heure.
Dans un contexte particulier de privation de fourniture d’eau ces derniers jours, et une hausse décidée de 10% de la facture de consommation d’électricité, ils n’en ont vraiment rien à foutre ! On est content, on chante, on danse, on prépare la fête. J’observe les Sénégalais, y compris moi-même d’ailleurs, et je ne suis pas fier de ce que je vois de l’image qu’il me renvoie.
Et plus j’observe les Sénégalais moins j’ai envie de les aider, devrait dire Guy et ses codétenus. On est un pays vraiment «lâche», le seul à littéralement tout accepter dans une parfaite insouciance… J’ai quand même en moi cette espèce de foi, cet optimiste naturel en ce pays qui est intact et le restera… Malgré tout, je crois, mais souvent je me demande encore pourquoi… ? Pourquoi continuer de croire à un peuple qui ne croit plus à rien ou à peu de choses ?
De même, comment croire en un peuple qui ne croit plus en lui-même, qui ne fait que cumuler, accepter, encaisser, giflé sur la joue droite il tend la gauche, jamais il n’envisage la défense, il ne veut pas changer sa condition de vie et est prêt à salir, insulter, critiquer ceux qui se lèvent pour sa défense et son intérêt.
Ce peuple qui pendant bientôt 60 ans est mal gouverné, désabusé par des politiques, mais qui continuent à leur faire confiance comme si nous perdions la mémoire, et n’avions jamais rien retenu de notre histoire, de notre passé.
Un peuple aussi ignorant et arrogant qui est plus ancré dans l’exhibitionnisme, qui passe son temps à débattre de futilité qu’à une remise en question profonde de nos croyances, pour ne pas dire une introspection comme l’avait suggéré l’ancien président après le naufrage du bateau le Joola, naufrage qui n’a jamais eu de responsable – si ce n’est Dieu – et je dois dire que même Dieu a d’autres choses plus importantes que de couler un bateau qui transportait des pauvres innocents.
Il suffit de voir les concerts des artistes, peu artistes vraiment, des chanteurs et le public qu’il draine alors que l’entrée est payante, mais ce peuple trouvera les moyens d’y assister, quitte à vendre sa dignité chez certaines filles ou à commettre des forfaits chez certains hommes. Ces mêmes personnes qui se plaignent de la cherté de la vie, du chômage endémique, des mauvaises politiques mises en œuvre qui consistent à nous priver de tout y compris nos libertés. Et pourtant elles ne répondent jamais à l’appel du peuple pour leurs propre intérêts ou répondent peu et très rarement, mais quand il s’agit d’aller dans un concert en plein air dans des conditions climatiques difficiles et dépenser 10.000 francs minimum pour regarder des concerts, ils y courent comme un troupeau vers l’abattoir…
Un peuple moutonnier, devrai-je dire, mais est-ce que ce ne serait pas une insulte pour les montons, car eux au moins ils réagissent et donnent des coups de têtes quand ils sont maltraités.
Il suffit de voir les comportements et de lire les commentaires sur les réseaux sociaux après l’arrestation de Guy et Cie pour se rendre compte que nous ne méritons pas mieux que ce que les politiques nous donnent. Aujourd’hui, si les frères ont été emprisonnés, c’est parce qu’on a été lâche. À 8, 9, on peut être arrêté, mais imaginez un seul instant, 25.000 personnes devant le palais, dans une manifestation pacifique, réclamer une meilleure prise en charge de nos préoccupations en toute responsabilité et sans aucune forme de violence…
Assurément, notre quotidien serait meilleur et Guy et Cie ne seraient pas obligés de se sacrifier pour ce peuple. Mais ce peuple préfère l’esplanade du grand théâtre, les gradins de l’arène nationale, ou le Cices, pour battre des records d’affluence et rendre un homme déjà riche, encore plus riche, et eux, déjà appauvris, encore plus pauvres! Quel pays, quel peuple décidément !
Je les entends venir me dire : «oui, il y a le manque de temps et les contraintes du quotidien». On est bien d’accord ! À l’impossible nul n’est tenu, mais dites-moi comment ce peuple fait pour se libérer, ensuite payer de sa poche pour assister à un combat de lutte de 13h à 21h ou un concert de 20h à 6h du matin ? Et parfois, même sans manger ni boire. Celui qui a la volonté trouve toujours les moyens, tandis que celui qui n’a pas de volonté cherchera toujours des excuses. C’est malheureux mais c’est la réalité !
Il suffit aussi d’écouter les débats et autres discussions de notre «élite» bien-pensante, anesthésiée, malgré eux, dans certaines chaînes de télévisions, entre mensonge et manipulation médiatique, pour maintenir ce peuple dans une léthargie mentale, dans une indifférence et une fatalité sans précédent. Et le peule joue le jeu, reprend les mêmes idées ; il ne sait même plus qui le défend et qui est son bourreau : on lui indique une direction et paaf, «Guy et Cie sont des provocateurs, ils méritent la prison…».
Le peuple s’est complètement perdu et c’est le néant : niveau réflexion zéro, perception logique zéro, libre arbitre assumé zéro etc. Le peuple est complice, nous méritons nos gouvernants. N’oublions pas qu’un peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite. Ici, on dit que seule la lutte libère. Et nous ne ferons pas exception à cette règle : si nous voulons être libres, nous devons sortir de nos zones de confort et affronter la réalité ; nous devons battre le macadam, inhaler du gaz et défier les caprices de la nature ; pour exiger une prise en charge, une meilleure prise en charge, de nos préoccupations. Sans une démarche pacifique et pacifiée, comment peut-on continuer de cautionner des inégalités aussi manifestes ? Les fonds politiques alloués à Macky Sall s’élèvent à huit milliards 100 millions Cfa. Une manne financière votée par l’Assemblée nationale et qui n’est assujettie à aucun contrôle d’un quelconque corps. Le président de la République peut en faire ce que bon lui semble. C’est quand même incroyable.
De plus, le budget qui vient d’être voté est à la hausse, avec toujours bien sûr, le budget de la présidence qui ne cesse de s’accroître…
Alors que la paupérisation s’est généralisée, pas moins de 1.800.000 Sénégalais sont menacés de faim, dont 348.021 en situation de crise. Après, on ose dire à l’étudiant affamé de ne pas faire la grève, aux jeunes chômeurs de ne pas partir en mer, investissez ici ! Comment investir dans un pays où la durée de vie des Pme-Pmi est estimée à deux ans ? Un pays où nous n’avons que 60 urgentistes et 80cardiologues pour 16 millions de personnes… Alors, je n’en veux plus au peuple… Je n’en veux même plus aux politiques qui nous trahissent… Parce que s’ils sont responsables, nous le sommes aussi en laissant faire. Donc au final, soit j’en veux à tout le monde, soit je n’en veux à personne en fait. Je m’en veux à moi en premier finalement…
C’est peut-être juste dans nos gènes à tous de vivoter au lieu de vivre dans la plénitude, l’abondance et la richesse de vivre dans la galère. En attendant, au lieu de nous lever pour nous battre tous comme un seul homme, dans une lutte pacifique, mais avec courage, détermination et lucidité, on persiste dans l’insouciance et l’ignorance. On préfère l’agréable à l’utile, mais pour combien de temps encore ?
Parce qu’on entend tout le monde dire depuis quelques années «dina baax». Mais bien sûr ! Ne vous en faites même pas, continuons de danser, c’est décembre, allons tous envahir les concerts et autres… Ça fait presque 60 ans que les gens disent la même chose, mais jusqu’à présent rien… Mais comme on préfère se voiler la face, allons faire du petit ou grand bal un bal masqué pour faire semblant d’être joyeux pendant un instant : c’est là paraître, ou bien ? Alors, exhibons-nous, montrons à tout le monde ce que nous avons, mais aussi et surtout, ce que nous n’avons pas : c’est à dire courage et dignité.
En vérité, ce n’est pas Guy et Cie qui sont en prison, mais nous-mêmes !
Heureux et libre est celui qui ose dire NON.
Éternel indigné, PMD