Dakarmidi – Depuis la fin des années 90, la maladie a réapparu et ne cesse de croître. Le choc toxique peut aller jusqu’à entraîner une amputation, ou la mort.
Le choc toxique lié aux règles semblait avoir disparu. Il redevient source d’inquiétude. Au moins une femme est morte de cette maladie, certaines ont été amputées. Pour comprendre, des chercheurs se lancent dans une délicate collecte de tampons usagés. En 1990, plus aucun cas de syndrome du choc toxique (SCT) n’était recensé en France. Mais depuis la fin des années 90, la maladie a réapparu et ne cesse de croître : 5 cas déclarés en 2004, 19 en 2011 et jusqu’à 22 cas en 2014. Ce qui a alerté le centre national de référence des staphylocoques des Hospices civils de Lyon.
Des symptômes qui alertent
Le choc toxique peut potentiellement toucher 1 % des femmes, celles qui sont porteuses du staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) dans leur vagin. Avec un tampon, « le fluide menstruel est bloqué, il va rester au chaud. C’est donc un milieu de culture formidable et s’il y a cette fameuse bactérie, elle va se mettre à produire une toxine (TSST-1) qui va passer dans le sang », explique le professeur Gérard Lina lors d’une conférence de presse mercredi. D’où l’importance d’éviter de garder un tampon plus de quatre heures : plus on le garde, plus les bactéries prolifèrent, comme mettent en garde d’ailleurs de nombreux fabricants dans leurs notices.
Justine a 26 ans. Il y a trois ans, elle a été victime de ce syndrome. « J’avais mes règles, un tampon. Le soir, je l’enlève et je commence à avoir mal à la tête, des diarrhées. Je pense à un début de gastro. Dans la nuit, j’ai commencé à vomir, énormément », raconte-t-elle. « Le lendemain, je ne faisais que dormir. Et puis, j’ai commencé à perdre conscience. J’avais hyper soif, énormément de fièvre et un symptôme très particulier : le corps tout rouge, comme un coup de soleil. »
Sang dans les yeux, langue gonflée : le médecin généraliste panique. À l’hôpital, personne ne comprend non plus. Elle est mise en quarantaine et à, aucun moment, on ne lui parle de tampon, regrette-t-elle. Traitée aux antibiotiques, elle rentre chez elle. Elle mettra six mois pour pouvoir « aller jusqu’à la boîte aux lettres », un an pour se remettre, en passant par des moments affreux : la peau des paupières, des mains, des pieds, de l’aine s’effrite complètement. Et il faudra un mois pour qu’on mette enfin un mot sur le mal qui l’a traversé, « grâce » à la présence de pus dans son vagin. « C’est une maladie invisible et elle est taboue parce que c’est sale », souligne la jeune femme, aujourd’hui psychanalyste.
Organes vitaux en mode survie
Pourtant, elle peut être très grave. Certaines femmes ont vu des bouts de nez, de doigts, se nécroser. Une jeune mannequin américaine, Lauren Wasser, a, quant à elle, perdu une jambe en 2012. Face à la toxine, les organes vitaux se mettent en effet en mode survie, aux dépens des extrémités, de moins en moins irriguées. Les médecins sont insuffisamment sensibilisés au problème d’autant, qu’au début, les symptômes font penser à un virus banal. Dans les années 80, « on a accusé le tampon en viscose Rely d’en être responsable ». Donc, tout le monde pense depuis que le problème est réglé, relève le Pr Lina. Mais la hausse des cas ces dernières années interpelle. Plusieurs pistes pourraient l’expliquer : la nature des composants, l’utilisation accrue de tampons ou une évolution de la flore vaginale due peut-être à l’alimentation, avance le professeur.
Pour en avoir le cœur net, il lance une grande collecte nationale avec l’espoir d’obtenir au moins 1 000 tampons usagés. Il suffit d’aller sur le site du CHU de Lyon (www.chu-lyon.fr) ou d’écrire à gerard.lina@univ-lyon1.fr pour obtenir un kit. L’intérêt est aussi pour la participante de savoir si elle est porteuse de la bactérie l’exposant à ce risque. Par ailleurs, une pétition ayant recueilli plus de 257 000 signatures demande aux fabricants de « rendre visible la composition des tampons ». En février, l’association 60 millions de consommateurs avait aussi alerté sur la présence de dioxines dans certaines protections hygiéniques.
Afp