Dakarmidi-La session 2019 du baccalauréat démarre demain, mercredi 29 mai, avec les épreuves de l’anticipé de Philosophie. Ils seront 159 386 candidats hormis 2% des élèves des séries techniques, à être appelés à « cogiter » sur toute l’étendue du territoire. Le professeur Abdoulaye Sow, coordinateur des enseignants et examinateurs de philosophie (Ceep), fait un diagnostic sans complaisance du niveau des élèves. Il relève le faible niveau des apprenants en français, leurs difficultés dans la méthodologie de dissertation ou de commentaire ou encore la restitution banale des cours dans les copies des examens. Alors, comment bien philosopher au Bac ou éviter certains pièges ? Dans cet entretien, Abdoulaye Sow invite les candidats à réfléchir sur un problème en faisant appel à leurs connaissances livresques et de la vie courante. En addition, il nous livre son sentiment sur l’organisation des journées de synthèses ou, comme il l’appelle, séances de prise en charge psychologique.
Constat d’une restitution banale des cours
« L’expérience a montré que les apprenants ont un problème de français. On ne le dira pas assez, les élèves ne lisent plus. Ce manque au niveau de la lecture est en train de sérieusement et négativement impacter dans le français, dans la capacité de raisonnement, dans la capacité de documentation, dans la capacité d’argumentation, dans l’élaboration de certaines idées au niveau de la dissertation et du commentaire. L’autre problème noté, ce sont les fautes grammaticales, les fautes de syntaxe et autres. C’est toujours lié à un problème de français. Nous constatons dans les copies des élèves au bac comme en classe, une restitution banale des cours que les profs servent en classe. La Ceep avait tenu une rencontre restreinte pour réfléchir sur cette question. Nous nous étions dits qu’il fallait saisir les autorités, saisir les inspecteurs de philosophie, saisir les formateurs afin d’interdire aux professeurs de servir des résumés de cours. Ce qui permettra d’inviter l’élève à prendre note ».
Cerner la méthodologie
« L’autre problème majeur, c‘est celui de cerner la méthodologie. La philosophie est avant tout d’abord le fond mais aussi la forme. Mettre l’accent sur le fond et négliger la forme, ça aussi c’est vraiment quelque chose qui relève d’un hiatus. La méthodologie pose véritablement de problème aux élèves. Je sais que les professeurs déroulent bien la méthodologie. C’est un chapitre important du programme. Au baccalauréat, nous remarquions que les élèves n’ont pas confiance au savoir, à la méthode et même pas à la capacité de raisonnement et d’argumentation que les profs leur ont proposés ».
Réfléchir, analyser et argumenter
« La philosophie n’est pas une affaire de restitution des cours. Elle invite l’apprenant à réfléchir sur un problème posé à travers un sujet. La prise en charge du problème invite l’élève à faire appel à ses connaissances livresques et de la vie courante. On s’est rendu compte que la majeure partie des sujets soumis à la réflexion des candidats, étaient des sujets de culture générale. J’ai toujours dit à mes élèves que le cours de philosophie n’est pas un cours à restituer. Les leçons que l’on sert aux élèves ne sont pas des leçons qui font appel à une restitution. Le professeur n’est pas devant les élèves pour leur apprendre des leçons. En philosophie, on est devant aux élèves pour leur apprendre à penser. Ce qui nécessite de la part de l’élève une participation au cours. On apprend à l’élève un travail de recherche élaboré, une capacité de réflexion et d’analyse, une capacité d’argumentation, de raisonnement extraordinaire. Voilà ce qu’on attend des élèves. Nous sommes en deçà des attentes, une fois devant les copies des candidats. Ils nous arrivent de se remettre en question sur le travail qui nous est dévolu« .
Activités de synthèse ou séances de prise en charge psychologique
« La synthèse est une occasion de revenir de manière synthétique sur ce que le professeur a déroulé au cours de quatre domaines du programme de philosophie que l’enseignant doit finir en un temps très court. Déjà rien que le fait d’asseoir les connaissances, les concepts et les notions élémentaires de la philosophie peut prendre pour le professeur de philosophie, trois à quatre mois. Ce qui veut dire que l’enseignement des connaissances prendra plus de temps. C’est problématique. Voilà pourquoi nous proposons aux élèves des séances de synthèse que j’appelle personnellement séances de prise en charge psychologique. A une ou deux semaines de l’anticipé de philo, faire une synthèse est une manière de varier les discours. Il s’agit de montrer aux élèves que ces professeurs venus d’horizon divers ne sont là que pour revenir de manière synthétique sur ce que le professeur a déjà fait en classe « .
Mercantilisme !
« Alors si l’élève entend un nouveau discours avec les mêmes concepts et les mêmes notions être déployés par un professeur, cet élève se sentirait intérieurement et psychologiquement à l’aise en se disant au fond de lui que véritablement que ce prof n’a fait et dit que ce que notre prof a eu à faire. C’est un sentiment de sérénité qui va habiter l’élève. Voilà l’objectif des synthèses. En revanche, nous déplorons le mercantilisme de ces activités. Ces gens qui regroupent des élèves dans les salles et qui leur font payer en fin d’année parce qu’on sait le niveau de stress. L’élève est disposé à mettre la main à la pâte et à donner ce que le professeur lui demande pour revenir de manière synthétique sur tel élément ou tel autre élément du programme. Dans une activité de synthèse, un prof qui mettrait l’accent sur une leçon ou sur un chapitre pourrait influencer, de manière tacite, même sans le savoir, l’élève à apprendre une certaine leçon. Ils se disent que les profs doivent connaitre au préalable les leçons ou les thèmes qui vont sortir au bac. C’est un danger. Donc prendre le micro devant un parterre d’élèves, mettre l’accent sur un élément du cours, c’est tacitement vouloir montrer à l’élèves voilà ce sur quoi il faudrait mettre l’accent, alors que le programme de philo sénégalais est axé sur quatre chapitres. Nous, professeurs, ne faisons que proposer. on découvre les sujets du bac en même temps que les élèves ».
Sud Quotidien