Dakarmidi – A la faveur d’un parfait alignement des planètes, Idrissa Seck, sur qui nul ne misait un penny il y a à peine quelques semaines, est devenu la révélation de cette campagne électorale. Une photo de lui en boubou blanc immaculé barre la une du dernier numéro de Jeune Afrique, l’hebdomadaire africain basé à Paris. Le prestigieux journal français Le Monde lui a consacré un article, écrivant que le soutien à lui apporté par le maire révoqué de Dakar, le très populaire Khalifa Sall emprisonné depuis vingt-trois mois pour malversations financières, est susceptible de faire basculer la présidentielle du 24 février 2019.
Alors qu’il était devenu un prétendant lambda au trône de Macky Sall, celui que ses compatriotes surnomment « Idy » est revenu aux premières loges suite au rejet par le Conseil constitutionnel des candidatures de 22 des 27 déposants. L’essentiel de ces recalés (dont des personnalités de premier plan comme Khalifa Sall, Malick Gakou, Pape Diop, Cheikh Hadjibou Soumaré, Abdoul Mbaye, Bougane Guéye Dany, Mamadou Lamine Diallo, Amsatou Sow Sidibé…) a fait front commun pour soutenir le candidat de la coalition Idy 2019. Cette mobilisation exceptionnelle a, tout d’un coup, davantage crédibilisé Idrissa Seck et élargi la base populaire de sa candidature.
Le fait est historique: c’est la première fois qu’un compétiteur à une élection présidentielle au Sénégal bénéficie, dès le premier tour, du soutien de 14 candidats, de 80 partis politiques, de plus de 40 maires pour la plupart non membres de son parti… Il est également porté par des personnalités qui, à l’instar de Mamadou Diop Decroix, secrétaire général d’AJ-Pads, n’étaient pas candidats mais jouissent d’une influence certaine sur l’échiquier politique.
Signe de la montée vertigineuse du champion d’Idy 2019, il a totalement submergé, en l’espace de quelques jours, « le candidat des réseaux sociaux », Ousmane Sonko, pour s’imposer comme le challenger du président en exercice, Macky Sall. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le viseur des porte-flingue du pouvoir s’est subitement déplacé de Sonko à Seck. La légitimité populaire a rejoint la légitimité historique.
Vieux crocodile du marigot politique sénégalais, directeur du cabinet présidentiel puis Premier ministre sous Abdoulaye Wade, patron politique et supérieur hiérarchique sous Wade de Macky Sall, Idrissa Seck tient une revanche sur ce dernier qui, contre toute logique de préséance, l’a coiffé au poteau en 2012 pour s’emparer du trône et devenir le quatrième président du Sénégal.
Ce duel frontal est parti pour être le dernier mais aussi le plus crucial entre les deux hommes. Candidat en exercice, bénéficiaire de la prime du sortant, titulaire d’un bon bilan, surtout en milieu rural, Macky Sall n’est pas un adversaire facile. D’autant que la détention de l’appareil d’Etat constitue un avantage comparatif souvent décisif dans le contexte d’un pays africain.
Mais Idrissa Seck, manifestement requinqué, est entrain de faire une campagne modeste, mesurée, efficace… bref, de mener une opération d’image qui gomme peu à peu les défauts qui lui ont toujours collé à la peau… Une élection présidentielle étant par nature un référendum, il va capitaliser sur ces mécontents de tout acabit des années Macky.
Dans la nuit du 10 au 11 février, arrivé à Madina Yéro Foulah après minuit, il a trouvé une foule nombreuse qui lui a arraché cette phrase: « Je suis à présent convaincu que nous allons gagner. » Le candidat de la coalition Idy 2019 est sur un nuage. Il surfe sur une vague de popularité. Ses marches orange font foule. Il s’est imposé comme l’alternative à Macky Sall. Et se prend à rêver du sacre suprême. Le réveil, au soir du 24 février 2019, sera-t-il brutal ou souriant ? Seul Dieu qui, dans la théologie musulmane, donne le pouvoir, sait si cet homme robuste de 60 ans, fils d’un petit commerçant et d’une parolière, va monter sur le trône de la République.
Cheikh Yérim Seck