Dakarmidi – Bruno Diatta, chef du protocole à la présidence sénégalaise depuis 1979, s’est éteint vendredi 21 septembre. Cheikh Omar Diallo rend ici un hommage intime à cet homme, dont la mémoire a été salué par l’ensemble de la classe politique sénégalaise.
Un seul rendez-vous manqué en quarante ans de bons et loyaux services. Un monument diplomatique vient de s’effondrer. Bruno Diatta est parti sur des pas de velours. Le ministre-plénipotentiaire Bruno Diatta allait avoir 70 ans dans quelques semaines. Il avait l’un des carnets d’adresses les plus prestigieux de la planète.
Jusque-là, le « diplomate-à-perpétuité » était le plus ancien chef de protocole au monde. Bruno Diatta emportera outre-tombe les lignes directes de celles et ceux qui ont gouverné et continuent de gouverner le monde.
Sa longévité exceptionnelle, son professionnalisme rassurant, sa courtoisie constante et son amour inoxydable pour la République ne seront plus jamais égalés. Un jour, à 5 000 mètres d’altitude, dans la Pointe de Sangomar, l’avion présidentiel, il me confiait : « Je suis une tombe, je vois tout et ne dis rien ». C’est tout dire !
En un demi-siècle de protocole d’État, l’ambassadeur Bruno Diatta a cristallisé à lui seul, toute la solennité de l’État. Il avait l’allure aristocratique, la communication non-verbale sur-mesure et « le syndrome de l’infaillibilité ». C’est donc pourquoi « l’ami Bruno » s’est adapté à la façon de gouverner de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall.
Après des études de Science politiques à Toulouse et à l’École nationale d’administration (ENA), il est entré en 1977 à la présidence de la République du Sénégal, en qualité d’adjoint au chef du protocole. Un an plus tard, il en est devenu le patron, avec rang de ministre-plénipotentiaire.
Il m’avait glissé, dans la diction claire et rapide qui le caractérisait, que Léopold Sédar Senghor lui avait proposé une nomination plus avantageuse ; offre déclinée. Abdou Diouf voulait faire de lui un « super-ambassadeur » en Europe ; il l’a convaincu de le laisser servir à ses côtés. Me Abdoulaye Wade avait hésité entre lui et Pape Samba Mboup ; sa science du maintien avait fait la différence.
Et, Macky Sall avait compris, très tôt que « l’horloge Diatta » a toujours donné la bonne heure de l’agenda de la République. « Je ne suis pas au service d’un homme, mais au service de la République », me disait-il un jour, entouré du nuage de la fumée des cigarettes qu’il grillait constamment.
Bruno avait le tracassin de l’heure et regardait toujours sa montre. Il s’est justifié, un jour autour d’un café, en ces termes : « J’ai la ponctualité des rois, les affaires de République ne sauraient attendre. »
Après avoir visité environ 135 pays et passé un demi-siècle à cacher les secrets de la République, Bruno Diatta envisageait pourtant d’écrire ses mémoires après sa retraite. Je lui avais rétorqué qu’un seul tome ne suffira pas. Nous avions pris date. C’est l’un des rares engagements qu’il ne respectera pas.
Depuis quelques années, Bruno Diatta toussait fort. Depuis quelques mois, Bruno Diatta toussait un peu moins fort. Depuis quelques jours, Bruno Diatta ne toussait plus fort. En réalité, c’était pour partir sur la pointe des pieds, comme à son habitude.
Le ministre Bruno Diatta disparaît avec des secrets intimes de la République et emporte avec lui un pan entier de l’histoire politique du Sénégal. À côté de sa famille, de ses parents et amis d’une part, et d’autre part, des présidents Diouf, Wade et Sall et de la nation toute entière, nous nous associons, à ce moment triste et solennel, pour le confier à la miséricorde divine. Mission accomplie. Union de prières !
Avec Jeune Afrique
La rédaction