Alors que la télévision publique et la chaîne de Youssou Ndour se disputent depuis des mois suite à la diffusion par TFM des matchs de la Coupe du monde 2018, pour lesquels la RTS estimait avoir des droits exclusifs, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) vient de produire un mémorandum listant les manquements de chacun des acteurs de ce dossier.
Le gendarme de l’audiovisuel sénégalais vient de donner raison à la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS, chaîne publique) dans le contentieux qui oppose le diffuseur public à Télé Futurs Médias. Ces deux chaînes s’opposent depuis plus d’un an autour des droits de retransmission de la Coupe du monde 2018 en Russie.
En août 2017, la RTS avait signé un contrat de 380 000 euros auprès d’Econet, la seule société habilitée par la Fifa pour commercialiser les droits de diffusion du Mondial en Afrique subsaharienne. Mais Kwesé Free Sports (KFS), filiale d’Econet, a en parallèle conclu deux autres contrats avec le groupe Futurs médias.
Le premier contrat, signé fin septembre 2017, prévoyait la diffusion en continu des programmes de KFS sur L’Obs TV, la chaîne satellitaire de GFM, tandis que le second portait sur la diffusion des 32 rencontres de la Coupe du monde. Un contrat conclu par l’intermédiaire d’African Networks TV (ANTV), une société basée à Paris, chargée par Econet de développer des partenariats en Afrique subsaharienne pour la diffusion de KFS.
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a produit un document de 4 pages daté du 16 août 2018 listant les manquements des différents acteurs de ce différend.
• Engagement non respecté par Econet
Selon l’organe de régulation, la société sud-africaine Econet, détentrice des droits télévisuels du Mondial 2018 en Russie, a violé son engagement vis-à-vis de la RTS, puisqu’il stipulait que seule sa chaîne KFS serait diffusée « dans le cadre d’un contrat de transport conclu avec African TV Networks SAS (ANTV SAS) ».
Le canal de TFM a par ailleurs été utilisé pour retransmettre en direct des matchs de la compétition internationale, alors que « la diffusion ne devrait être possible que par satellite », constate le CNRA après l’audition, le 5 juillet, du manager de KFS Afrique francophone.
• Manque de vigilance de Kwesé Free Sport
Autre entorse à la réglementation sénégalaise par Econet, la diffusion sans autorisation d’une chaîne (KFS) sur la TNT « en se substituant à une autre (TFM), sans signer un quelconque contrat avec l’opérateur de diffusion, ni entrer en contact avec le régulateur », relève le CNRA.
Le manque de vigilance d’Econet/KFS a été épinglé pour n’avoir pas vérifié l’existence légale de l’OBS TV, la chaîne satellitaire du groupe Futurs Médias, ni sa capacité à diffuser par voie numérique terrestre. Selon le CNRA, KFS a reconnu n’avoir pas « saisi au moment de la signature avec ANTV, la subtilité de l’extension à TFM ».
• Les détours de l’intermédiaire African Networks TV
Le CNRA a également relevé toutes les violations de la réglementation locale par l’opérateur intermédiaire, African Networks TV, dans cette affaire. Par exemple, pour contourner la loi sénégalaise, « l’idée était de créer une société de droit sénégalais dans laquelle le Groupe Futurs Médias détiendrait au moins 51 % des parts, pour faire diffuser KFS. Cette société n’a pu être constituée, selon certains de ses promoteurs », révèle le mémorandum du CNRA.
Le président d’African Networks TV a d’ailleurs reconnu devant le régulateur de l’audiovisuel sénégalais qu’en scellant un contrat en mars 2018 avec TFM pour diffuser la chaîne KFS, il s’agissait bien d’une location de son canal.
• La TFM n’aurait pas dû louer son canal à TFS
Les manquements à la loi par le Groupe Futurs Médias ont également été pointés de manière détaillée par le CNRA. « La TFM, en cédant son logo et son canal à KFS, a violé plusieurs dispositions de la loi portant Code de la Presse, notamment les articles 139 et 140 et 10 du cahier des charges applicable au titulaire d’une autorisation de diffusion de programmes de télévision privée de droit sénégalais », écrit-il.
• Absence de réactivité de la Fifa
Dans ce dossier, le rôle de l’instance de gouvernance mondiale du football, la Fédération internationale de football association (Fifa) n’a pas non plus échappé aux constations et observations du CNRA. « Son absence de réactivité a fait planer incompréhension et appréhension sur l’effectivité, en sa qualité de pourvoyeur de droits, de sa capacité et/ou volonté, dans le cas d’espèce, de contrôler et d’arbitrer les différends issus de l’interprétation des conditions d’exploitation de ces droits », juge-t-il.
La Rédaction