Dakarmidi – Récemment ont été créés des collectifs qui revendiquent le départ d’Auchan. Mais à quel prix ? Quelle est l’alternative? Nous voulons qu’Auchan dégage? Pour protéger qui et quoi?
Combien y a-t-il de sénégalais qui critiquent la présence toujours plus importante d’Auchan au Sénégal MAIS font tous leurs achats chez eux? Cette multinationale serait dangereuse pour l’économie sénégalaise ?
Je me dis que si on demande à Auchan de partir pour continuer à consommer du riz thaïlandais cela revient au même. Si Auchan doit s’en aller pour qu’on retourne acheter plus cher l’oignon qui nous vient d’Amérique du Sud qu’allons-nous-y gagner? Nous voulons protéger notre économie, mais nous préférons cuisiner avec l’huile qui nous vient d’Europe. Et dans tous les domaines c’est pareil. Nous préférons les sacs et les chaussures confectionnés en Italie ou autre part en Amérique. Le Getzner que nous aimons tant nous vient d’Europe. Le wax que nous revendiquons fièrement a ses origines en Grande Bretagne. Il ya aussi les cheveux de ma chère cousine, le déodorant de mon oncle…
J’ai été dernièrement surpris et choqué d’apprendre en lisant les étiquettes de deux sachets de lait en poudre (dont je tairai les noms), que ces derniers sont produits en Europe mais juste ensachés au Sénégal. Alors qu’avec le bétail dont nous disposons nous pouvons atteindre l’autosuffisance en lait et même revendre le surplus à la sous-région.
Nous sommes atteints du syndrome de « la préférence de ce qui vient de l’autre》. C’est le cas meme du respect que nous avons pour notre langue. Tu fais une faute en wolof, personne ne s’en rend compte. Une faute en francais te fera passer pour le plus grand looser du monde. Conséquence: nos députés (representants du peuple) parlent italien à l’assemblée nationale et celà contribue à leur conferer une notoriété non negligeable.
Aux Etats Unis ou encore en France ils font la promotion du Made in France ou de la Frenchtech, nous, nous rejetons systématiquement ce qui est produit et vendu par nous même. Le riz que produit nos cultivateurs ne fait pas grand succes malgré ses qualités. D’accord, il est de la mission de nos dirigeants de promouvoir le « consommer local ». Mais le Sénégal c’est nous. Et le bien être d’un peuple ne peut etre atteint qu’avec l’initiative individuelle de tous.
Si on en revient au cas Auchan. Je suis enfin rentré dans un de leurs magasins dernièrement, et je n’ai pas trop l’impression qu’ils bazardent leurs produits. J’ai comparé le prix de 20 de leurs articles avec les prix pratiqués dans les magasins Auchan en France (faites un tour sur leur site) : les produits qu’ils importent sont vendus beaucoup plus chers chez nous ! Seuls les articles qui sont produits au Sénégal coutent beaucoup moins chers que les prix pratiqués jusqu’ici par nos boutiquiers.
La question que je me pose : ou alors on se faisait « pigeonner » par nos propres frères et pères commerçants depuis belle lurette, ou preparons nous à un retour de baton lorsqu’ils auront malheureusement disparu et que les prix d’Auchan auront pris un second souffle. En tout cas en attendant, les prix sont « corrects ». Certains articles ont subi une baisse de plus de 30%. Exemple: une cannette de coca qui coute 300 frcs chez le boutiquier est vendu 250 frcs à Auchan. Une tablette de 30 oeufs est vendue 1950 frcs à Auchan. Chez le boutiquier: 30 oeufs coutent 3000 frcs!
Bien sûr restons objectifs ! Je ne défends aucunement Auchan mais je pense que si nous voulons résoudre ce problème (qui en est bel et bien un) il nous faut pouvoir le situer, le comprendre, trouver une stratégie et rester cohérents à nos principes (notre mode de consommation).
« Auchan dégage », je trouve la formule facile et je n’y adhère pas forcément. Il faudrait plutot profiter de cet engouement pour définir de réels enjeux. Ne nous leurrons surtout pas en prétendant que c’est pour protéger le petit commerçant du coin, ce serait incohérent. Des milliers de braves gens nourrissent aussi leurs familles grâce à Auchan : du caissier au gardien de sécurité en passant par le cultivateur de choux, oignons, le producteur de jus locaux, … Et puis la concurrence peut parfois etre tres positifs pour un marché. La preuve…
Bref. Mes preconisations. On peut continuer d’acheter notre pain à la boulangerie du quartier mais on doit lui dire clairement qu’on attend de lui un peu plus de farine et moins de levure dans sa baguette qui ne peut même plus nourrir un enfant de 4 ans. Prends ton poisson chez Astou de marché Tilène, mais demande lui de couvrir proprement sa table de vente de manière permanente afin de protéger sa marchandise des insectes et d’assurer leur fraicheur. Ne nous arrêtons pas de prendre notre dougoup (mil) chez Rama mais n’ayons pas de Kersa à lui dire que la dernière fois il y avait des grains de sable et que tu souhaiterais vraiment ne pas avoir à aller le prendre chez le concurrent. Et surtout, chers amis commerçants, vendez nous à prix fixe permanent et ne les rehaussez pas lorsque la tabaski arrive.
Il va falloir qu’on y mette du nôtre. Pour deux principales raisons. Primo, ces commerçants sénégalais ne pourront jamais rivaliser avec Auchan. Ces derniers ont les moyens de mener une guerre des prix et éventuellement une vente à perte (interdite normalement) durant plusieurs années sans ressentir la moindre difficulté. Segundo, elle est dans ses droits et en ma connaissance aucun dispositif juridique ne leur interdit de s’installer chez nous.
Je ne suis nullement de ceux qui prônent la fermeture totale de nos marchés aux étrangers. Nous avons besoin d’eux, pour la seule et simple raison que notre pays ne peut pas forcement produire tout ce dont nous avons besoin (nous n’avons par exemple pas d’industrie automobile). La nature est donc faite ainsi. Nous devons vivre en communauté pour maintenir l’équilibre de l’humanité. Simplement, cet équilibre doit être bien nivelé et profitable à toutes les parties.
Pour finir, restons positifs et mobilisés. De toute façon nous ne passerons pas le 21em siècle sans avoir atteint le stade de pays développé que nous méritons. Pour cela, nous avons le savoir, la force et la volonté. En vérité, nous n’avons pas le choix, nous devons le faire pour exister. Nous ne serons peut être pas là dans 80 ans mais, dans 30 ans, nos enfants nous demanderons ce que nous avons fait pour changer les choses. A nous de nous montrer digne. Wa salam.
La rédaction