C’est le vendredi 29 Juin que la Cour de Justice de la CEDEAO qui avait été saisi par les avocats de Khalifa Sall, Député-Maire de Dakar en prison depuis mars 2017 et condamné en première instance à 5 ans de prison pour escroquerie de deniers publics, a rendu son verdict à travers un arrêt dans lequel la Cour estime que les droits du détenu n’avaient pas été respectés durant la procédure. Aussitôt, cette sentence prononcée, ceux là qui avaient de tout temps clamé haut et fort agir au nom de la Cedeao notamment pour mettre dehors l’ancien Président Gambien, Yaya Jammeh, ont commencé à vouer aux gémonies l’institution communautaire.
Il aura fallu attendre six bons mois après leur saisine pour voir les juges de la Cour de Justice de la Cedeao trancher. Dans son arrêt qui a secoué profondément les faucons du Palais qui voient ainsi leur redoutable machine à élimer des opposants, prendre du sable, la cour estime que le Député-Maire de Dakar n’a pas eu accès, comme l’impose la loi sénégalaise, à un avocat dès le début de la procédure judiciaire et que le droit à la présomption d’innocence n’a pas non plus été respecté. Plus grave, elle estime que le procès n’a donc pas été équitable.
Mais le plus cynique, souligne l’arrêt, Khalifa Sall ayant été élu député officiellement le 14 août dernier, la Cour considère qu’entre cette date et la levée de son immunité parlementaire le 25 novembre 2017, la détention du député de la coalition Manko Taxawou Sénégal a été arbitraire.
La Cour prononce pour ces manquements des dommages et intérêts
Poursuivant et constatant les nombreux manquements durant la procédure, la Cour de Justice estime que la responsabilité des autorités judiciaires et policières du Sénégal est engagée, ce faisant, l’Etat est donc condamné à verser 35 millions de francs CFA à Khalifa Sall et quatre autres personnes de la mairie qui ont été jugées avec lui.
A peine l’encre s’est asséchée sur l’arrêt que les avocats de l’Etat du Sénégal sont montés au créneau pour essayer de mettre en pièces la décision et c’est Me Boubacar Cissé qui ouvre les hostilités en ces termes, « cette décision de la Cédéao n’a aucune incidence sur la suite de la procédure, car la justice sénégalaise a déjà tranché ».
« La Cour n’a fait que constater, l’État n’est pas tenu de l’appliquer. Mais ce que je peux vous dire d’ores et déjà, c’est que la Cour n’a pas ordonné sa mise en liberté, donc on ne peut pas prendre la décision de la Cour de la Cédéao comme se substituant à notre législation interne », poursuivra-t-il.
La défense réclame la libération de Khalifa Sall
Pour les Conseils du Maire de Dakar, » Les avocats de Khalifa Sall notamment Me Seydou Diagne, « C’est une victoire nette et sans bavure, éclatante » . Pour lui, « les décisions de la Cour de justice de la Cédéao s’imposent aux juridictions nationales, donc l’État du Sénégal n’a d’autre choix que de respecter la décision qui s’impose aux juridictions nationales et de libérer immédiatement et sans condition M. Khalifa Sall ».
Et d’ailleurs, ces derniers comptent utiliser cette décision lors du procès en appel de leur client qui aura lieu en Juillet mais auparavant, ils exigeront la liberté immédiate de leur client.
Face aux atermoiements du pouvoir à travers des sorties inopportunes et inélégantes les unes plus que les autres, les avocats du Maire de Dakar en conférence de presse ce vendredi, ont tenu à rappeler à l’Etat du Sénégal l’obligation qu’il a d’exécuter la décision communautaire.
A cet effet, Me Ciré Clédor Ly et ses confrères ont invoqué les dispositions du traité révisé de la Cedeao, du Protocole A/P1/7/91 ainsi que le Règlement de la Cour de justice de la Cedeao.
Pour que nul n’en ignore, Me Ciré Clédor Ly convoquera l’article 15 du traité révisé de la Cedeao dispose, à son alinéa 4, que : « les arrêts de la Cour de justice ont force obligatoire à l’égard des Etats membres, des institutions de la communauté, et des personnes physiques et morales ».
De même, l’article 19 alinéa 2 Protocole A/P1/7/91 de la Cedeao, prévoit que « les décisions de la Cour lues en séance publique et doivent être motivées. Elles sont, sous réserve des dispositions du présent Protocole relatives à la révision, immédiatement exécutoire et ne sont pas susceptibles d’appel ». Et enfin, le Règlement de la Cour de justice de l’institution dispose en son article 62 que « l’arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé ».
A espérer que pour le respect et le rayonnement de la démocratie sénégalaise, l’Etat tentera de agripper à cette perche tendue par la Cour de Justice Communautaire pour se débarrasser de cette patate chaude qu’est devenue l’affaire Khalifa Sall. Continuer de vouloir fouler aux pieds les principes élémentaires de respect des droits humains et écouter ces va-t-en guerre qui ont fini de vendre leur âme au diable, entache davantage les acquis du Président Macky Sall sur la scène internationale.
Et pour s’en rendre, il suffit de se rappeler les manifestations des sénégalais de France qui avaient largement perturbé le séjour du Chef de l’Etat à Paris lors du vote de la loi sur le parrainage.
La Rédaction