Quelques heures après le début des entretiens initiés par le Professeur Abdoulaye Bathily en vue d’aider les différentes parties prenantes à un large consensus, la commission électorale malgache (Ceni) a proposé mardi 8 mai d’anticiper la date des élections présidentielle et législatives, prévues en toute fin d’année, afin de sortir de la crise politique qui secoue la Grande Île depuis fin avril.
L’opposition rejette la proposition et exige la démission du Président
Avant même que le facilitateur de l’ONU, Abdoulaye Bathily déroule son programme, la proposition de la CENI qui a été rejetée par l’opposition a fait l’objet d’un mini tremblement de terre à Madagascar. Si pour l’organe en charge des élections, cette proposition peut aider en tenant les différents scrutins le 29 août prochain, cette solution ne semble pour le moment pas convenir à l’opposition.
Pourtant, en janvier, la commission électorale avait annoncé que les élections se tiendraient entre le 25 novembre et le 25 décembre. Il revient cependant au gouvernement d’en fixer la date précise mais, dans le cas où des élections anticipées ne feraient pas l’unanimité, la Ceni a proposé de les organiser le 28 novembre ou de les retarder au 29 mai 2019.
Et par la voix de la députée, Hanitriniaina Razafimanantsoa, l’opposition déclare, « C’est la démission de Hery Rajaonarimampianina et de son équipe que l’on veut ». « La Ceni ne propose qu’une solution tape-à-l’oeil. Laissez d’abord démissionner ceux qui doivent le faire et on parlera d’élections après », a-t-elle ajouté devant des partisans réunis, comme tous les jours depuis le 21 avril, sur la place du 13 mai à Antananarivo.
Depuis le début des manifestations à la Place du 13 Mai, les slogans hostiles à l’endroit de l’actuel président comme, « Miala Rajao », « Stop kolykoly » (« Rajao dégage », « Stop à la corruption ») « Hery voleur » et « Hery assassin » témoignent d’une exaspération croissante sur laquelle capitalisent les partis de l’opposition. A Madagascar, tout se monnaye. Des chauffeurs de taxi-brousse qui donnent de l’argent aux barrages de gendarmerie – sans quoi ils accumuleraient trop de retard – à l’étudiant qui veut se présenter à l’examen du permis, en passant par le citoyen qui veut déclarer une perte de carte d’identité au commissariat, le pot-de-vin est une pratique de la vie quotidienne.
C’est sur des fonds de contestation colorée qu’il est constaté plus que des fervents supporters du TIM et du Mapar, on trouve beaucoup de Malgaches excédés par des conditions de vie qui se dégradent. Et les complaintes sont les mêmes, « Ce n’est pas possible de continuer à vivre comme ça, tout a augmenté, témoigne Doric, fraîchement retraité. Le prix du kapok [petite boîte de lait concentré Nestlé qui sert d’unité de mesure au riz] est passé de 400 ariary à 700 ariary. Le carburant atteint 4 000 ariary le litre, le même prix qu’en Europe. Et les PPN aussi ! (produits de première nécessité). Pourtant, le Président avait promis d’en finir avec les délestages, il y en a de plus en plus. », concédera un partisan de l’actuel président.
L’espoir des malgaches et de la communauté internationale reposent sur le Pr Bathily
Précédé par une réputation d’homme juste et intègre, le Professeur Abdoulaye Bathily,envoyé Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, a du pain sur la planche pour réussir à amener les principales parties autour d’une table. Alors que Madagascar entre dans sa troisième semaine de crise ouverte, le médiateur désigné par le secrétaire général des Nations unies, Abdoulaye Bathily, est arrivé dimanche 6 mai à Antananarivo.
Parmi ses urgences, il rencontrera toutes les parties dans un contexte tendu de manifestations quasi quotidiennes dans le centre de la capitale. Celles-ci rassemblent entre quelques centaines et quelques milliers de personnes. La mort d’au moins deux manifestants et dix-sept blessés lors de la première manifestation interdite par le pouvoir, le 21 avril, ont fait basculer la contestation politique contre les nouvelles lois électorales adoptées en vue de l’élection présidentielle de décembre en mouvement pour la démission du chef de l’Etat.
Cette nouvelle médiation s’ajoute aux nombreuses déjà entreprises mais qui n’auront rien donné. Déjà, mercredi 2 mai, dans une déclaration lue à la presse, et signée par les responsables de la police, de la gendarmerie et de l’armée, le ministre de la défense nationale, le général Béni Xavier Rasolofonirina a demandé aux chefs des partis politiques de mettre un terme aux tensions actuelles et de trouver une solution.
Le syndrome de 2009 commence d’ailleurs à s’emparer des partisans du président Hery. Pour rappel, en 2009 lors du coup d’Etat, c’est l’armée qui avait porté Andry Rajoelina au pouvoir. L’homme s’était proclamé président d’une « Haute Autorité de transition », poussant alors Marc Ravalomanana à la démission le 17 mars. Ce scénario est resté dans les esprits. Les initiatives prises pour désamorcer la crise montrent que la situation est prise au sérieux par l’Union africaine et par les Nations unies. Les bailleurs, dont l’Union européenne, ont également proposé leur médiation.