Dakarmidi – « Je suis un enfant sorti des flancs du peuple, du bas peuple, des couches les plus modestes de notre société. Je suis un plébéien issu du Sénégal des profondeurs. Quelque part, dans la constitution mentale de ma pauvre mémoire se trouve enraciné douloureusement le profond sentiment d’avoir appartenu à la classe sociale du Sénégal d’en bas. J’ai vécu dans le milieu du Sénégal des gens déçus et sans perspectives d’avenir. Nous avons partagé notre souffrance. Le Sénégal des oubliés. Ils marchent ballotés, perdus et confus vers des horizons inconnus. J’ai toujours éprouvé la fierté et la douleur de partager le destin des gens qui ont été tenus à l’écart et trop souvent marginalisés, brutalisés et exploités. Nous n’avons eu personne pour nous défendre. J’ai vécu dans l’amertume des gens du peuple. J’ai été surtout frappé par leur foi. Dans l’épreuve ils se tournent vers Dieu. J’ai vécu dans la pauvreté comme la plupart des gens de notre peuple. Je sais ce que signifie la faim. Je comprends ce que ressent l’enfant qui va à l’école sans prendre son petit déjeuner. Je vois ce que peut éprouver l’enfant qui n’a pas d’habits neufs pendant les fêtes de Korité et de Tabaski. Je partage avec la plupart des hommes de notre peuple le destin des gens qui triment sous la chaleur pour espérer survivre. Nous sommes de la classe de ceux qui doivent travailler dur pour survivre. Nous n’espérons le salut de personne. Nous n’avons pu compter sur personne. Le salut viendra de nous-mêmes. Seule la vertu du travail peut nous sauver. Notre avenir est entre nos mains. Tous ceux qui sont exclus par le système en vigueur dans notre société ont le devoir et le droit de se battre dans la solidarité pour redevenir des citoyens, pour reprendre leur véritable place sous un soleil de la liberté et de l’espoir. Le culte de l’effort est une nécessité pour gagner notre combat. Nous luttons pour la justice et pour l’égalité des chances.
J’ai vu les paysans de mon pays travailler avec des moyens rudimentaires- dabas et houes- sous l’accablante chaleur de l’hivernage, pour cultiver leurs champs afin d’espérer pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, sans pour autant y arriver. J’ai vu des gens qui habitaient la campagne quitter brusquement leur terre natale, parce que secoués par la sècheresse pour venir s’installer en ville dans des conditions miséreuses…. Ils espéraient que la ville leur offrirait mieux, à manger et à loger. Il n’en était rien.
J’ai vu les bonnes et courageuses dames de mon pays se lever, dès le premier chant du coq, pour prendre d’assaut les marchés avec des petites économies. A l’heure de la rentrée, elles réussissent, dans des conditions douloureuses, à mettre dans le panier de quoi nourrir les enfants à leur descente d’école. J’ai un profond respect pour les femmes sénégalaises. Elles sont un modèle de courage. Sans elles beaucoup de familles vivraient dans la faim. Les femmes entretiennent les maisons.
J’ai vu des jeunes de mon pays vieillir du temps de leur jeunesse, parce que submergés par le chômage, secoués par le désespoir, et abattus par le manque de perspectives. Ils tentent des épreuves de désespoir, des épreuves suicidaires jusqu’à traverser la mer dans des pirogues pour gagner le mirage de l’Europe. Les autorités ne s’en émeuvent guère. J’ai vu beaucoup de familles, dans mon quartier de Sampathé à Thiès, assister impuissantes à l’échec de la scolarité de leurs enfants, à cause de miséreuses conditions de vie. Ces jeunes se perdirent dans la drogue et la débauche.
Depuis que j’ai commencé à observer, à vivre et à prendre conscience de ces phénomènes sociaux douloureux qui se déroulent quotidiennement sous mes yeux, j’ai acquis la conviction que la politique doit se mettre au service du peuple et non des simples élites. On doit faire de la politique pour sortir le peuple de la misère.je me sens solidaire de toutes les classes moyennes de mon pays.Elles participent à la production des richesses du pays, sans en être bénéficiaires. Nul ne peut connaitre mieux que moi les problèmes des couches défavorisées…Je défendrai toujours les couches populaires d’où je suis issu. Je ne trahirai jamais ma classe d’origine.»
Dr BABACR DIOP, SG des FDS, extraits de son ouvrage : le feu sacré de la liberté, mon combat pour la jeunesse africaine