Dakarmidi – L’Afrique n’est pas à l’abandon, monsieur Vincent Bolloré. C’est une certaine Afrique, avec ses saletées et cachoteries, qui se meurt, en les révélant, telles de purrulentes effluves, au bonheur de ses pepuples et de tous ceux qui savent que le 21e siécle sera juste ou ne sera pas.
Soudain, le Breton, habitué de la mer, à bord d’un yacht resplendissant, ressent un mal maritime venu d’une…terre burinée par harmattan et sable désertique, soleil incandescent et vents secs, alors qu’il se trouve, lui, au loin, en sa douce France. En un été naissant.
Brutal choc. Qui déclenche chez lui une forte envie de dégurgiter. “Faut-il laisser l’Afrique à l’abandon ?”, lâche-t-il, dégouté, hier, dans les colonnes d’un grand journal de son pays. Dix-huit ans après l’infamante sentence faisant d’elle le “continent sans espoir”, à la Une de la bible de l’économie néolibérale, The Economist, dans une saillie entrée dans la postérité, voici donc le tour d’un capitaine d’industrie, flibustier au grand cours, de reservir la théorie, finalement non-éculée, de la damnation de notre continent. Pauvre Afrique!
Venant de la bouche de Vincent Bolloré, un homme qui se gausse d’avoir investi 4 milliards d’euros sur le continent, il y a de quoi invoquer les cieux pour tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer pour que ce fier-à-bras, altier, arrogant, imbu de certitudes, commandeur, éternellement sûr de son fait, sombre, brusquement, comme un Titanic en haute mer, au milieu d’une intenable houle, avec armes et bagages….
Décidément, les vents tournent. Il y a quelques-jours, celui qui, peu avant, terrorisait son monde, méprisait la presse, se détachait du lot, s’était retrouvé brutalement sous les feux de la rampe. Ou plutôt dans l’antichambre d’un cachot pour être cuisiné par plus dur que lui, un juge, Serge Tournaire, le même qui, quelques semaines plus tôt , en avait fait voir des étoiles en plein jour à un autre deus ex machina, Nicolas Sarkozy, pour ne pas le nommer.
En vérité, les déboires de Monsieur Bolloré n’ont cessé , ces derniers temps, de s’amplifier. Quelques jours avant son humiliante garde à vue, potentiellement privative de liberté, il avait reçu une lourde peine financière de 8 millions d’euros, infligée par des juges exotiques Burkinabé -qui avaient eu le culot de renforcer, en le multipliant par plus de deux, une charge initiale que le justiciable breton voulait annuler.
Le 28 Mars, devant la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, c’est votre serviteur, moi-même, qui l’affrontait après qu’il a trouvé injurieux mes propos l’accusant d’être un prédateur en Afrique dans le même lot qu’un certain Franck Timis, pilleur des ressources naturelles, pétrogaziéres, du Sénégal, avec l’aide d’un pouvoir corrompu à sa tête.
Las, la plainte envoyée, en son nom, par son avocat parisien, se solde par une déculottée pour qui sait lire le verdict des juges. Le capitaine Bolloré voulait que son honneur soit lavé avec un savon de 32 500 000francs Cfa, soit 50 000 euros. Les juges, droits dans leur toge, ne lui ont accordé que 655 francs cfa.
La curée ne s’en est pas arrêtée là. Au Bénin aussi, verbe haut, la Cour Suprême locale lui a retiré un marché ferroviaire qu’il voulait avoir contre vents et marées, et en particulier pour frustrer un homme d’affaires local…
Le mal de mer du Breton, ses jérémiades subséquentes, ses plaintes et complaintes sur cette terra nullius africaine, ne sont, dès lors, qu’à analyser sous le prisme d’un violent retour de bâton pour celui qui n’en connaissait surtout que les palais, centres de pouvoirs, dirigeants qu’il a aidés à accéder au pouvoir, voire têtes couronnées. Il s’y mouvait comme un poisson dans l’eau. Il en était le seigneur des eaux. Au point d’en avoir fait la cible de ses filets.
Tout le monde se demandait par quelle magie, il parvenait, sans coup férir, à capter dans sa nasse chefs d’état, ministres, responsables de sociétés publiques. En leur faisant signer les meilleurs des contrats à son profit. Notamment pour prendre le contrôle de ports et chemins de fer, d’exploitations agricoles, des latifundias tropicaux, tout en influençant le commerce par ses moyens de communication et par la puissance de sa force logistique. On eut dit un proconsul trans-territoires. Que c’était beau pour lui cette démocratie aux enchères, tant le retour sur (maigres) investissements qu’il encaissait n’en cessait d’épater le monde entier…
Tout voguait doucement. Sans bruit. Comme un yacht en haute mer. Tout lui réussissait. Rien ne pouvait l’amener à réaliser, surtout pas à penser, comme d’autres, qu’il se trouvait sur une terre de non-gouvernance, en étant réincarné en sauveteur, venu sur ces berges torrides et arides, pour porter le fardeau de l’homme blanc, reprenant l’héritage d’un de ses ancêtres, Rudyard Kipling.
Pensait-il, condescendance oblige, qu’il n’y était que pour la sauver de sa nuit…noire?
Les chocs de ces derniers jours ont dû être particulièrement assommants. Pour qu’il réalise enfin que loin des deals de l’ombre entre Lomé, Cotonou et Dakar, il y a l’éclat, la lumière, l’exigence de transparence, ces nouvelles normes éternelles dont rêvent tous les peuples et…juges, de plus en plus capacités par cette dynamique, cette tecHtonique des plaques, née du surgissement de cette nouvelle révolution de l’information-technologique, balayée en son cœur par une exigence populaire d’éthique, de transparence et d’équité. De souveraineté !
Réveil dur. Utile. L’Afrique n’est pas à l’abandon, Monsieur Vincent Bolloré. C’est une certaine Afrique, avec ses saletés et cachoteries, qui se meurt, en les révélant, telles de purulentes effluves, au bonheur de ses peuples et de tous ceux qui savent que le 21eme siècle sera juste ou ne sera pas.
Bienvenue, en revanche, dans l’Afrique qui monte, la nouvelle Afrique: nouvelle frontière du développement, hospitalière et accueillante, mais attention le ticket d’entrée et les règles du jeu sont aux antipodes des micmacs d’un passé récent. Retrouvez vos esprits, faites votre mea-culpa, remisez votre boîte à outils du passif et du passé, tentez la relation saine, et alors vous pourrez encore être des nôtres. Dans une relation fondée sur le respect et le gagnant-gagnant où les peuples ne seront plus court-circuités par des profitards, publics ou privés.
Revenez, si vous êtes capable de ne plus jouer les seigneurs chez nous. Sinon, en plus du mal de mer, nous vous refilerions celui, encore plus étourdissant, de terre. Nous sommes debout!
Par Adama Gaye
La rédaction