Dakarmidi – En quatre mois, le député Ousmane Sonko a fini de faire presque l’unanimité autour de la qualité de la représentation qu’il fait du peuple sénégalais en général, des 40.000 citoyens qui l’ont élu en particulier. Ennemis, adversaires, alliés, camarades, critiques, média…disent presque la même chose : « enfin on a un député ! ». « Si nous en avions plusieurs ! ». « On ne regrette pas d’en avoir fait notre tête de liste ». « Je ne regrette pas d’avoir voté pour lui ».
« Le député de l’année ! », pour certains, « l’homme de l’année ! » tout court pour d’autres. Mêmes les plus sceptiques commencent à murmurer « notre candidat à la prochaine élection présidentielle ». La sonkomania continue sous une forme autre que celle qu’elle avait prise au temps de la polémique sur l’assemblée nationale qui n’aurait pas payé ses impôts au trésor public, sur la gestion anti démocratique des ressources naturelles, lors de sa suspension jusqu’à sa radiation du corps des inspecteurs des impôts comme seule alternative qui restait au président Macky Sall et à son administration contre un adversaire politique. Si le super-héros est symboliquement important, les peuples ont surtout besoin structurellement d’un super-héros collectif qui est inexistant. Et c’est en cela que ANDS/Burabe, 3C, le MRDS, le RND, Pastef, Taxaw temm, et Yoonu Askan Wi sont interpellés. Et au-delà, les électeurs, les citoyens. Toutes les questions ou presque y passent. Modicité des budgets ministériels, préférence aux entreprises nationales, gestion des ressources nationales, franc Cfa néo colonial, APE re-colonial…Comment faire pour que la tactique parlementaire et extra parlementaire du député Ousmane Sonko soit bien alimentée par les différentes fractions de notre peuple et bien répercutée pour débat en dehors de l’hémicycle ?
Pour les progressistes, les révolutionnaires le projet ne peut être de bâtir autour d’un « Sonko moo ko yoor ! » comme on le ferait autour d’une femme ou d’un homme présenté (e) comme un messie politique. Les peuples n’ont pas besoin d’une Catwoman, d’un Zorro ou d’un Superman politiques si tant est que ces femmes ou ces hommes existent. Ils ont besoin de savoir, de se souvenir que ce sont les peuples qui font l’histoire à travers leurs luttes pour plus d’émancipation. Et dans ce processus, où les peuples opprimés se battent pour sortir de leur oppression, ils fécondent les femmes et les hommes de Aline Sitoé Diatta aux femmes de Nder, de Cernoo Suleymaan Baal à Ousmane Sonko en passant par Lamine Arfang Senghor, Cheikh Anta Diop qui portent leur parole et représentent la figure de proue de leurs aspirations et de leurs luttes. Certains finissent par trahir leurs peuples en passant lâchement à l’ennemi pour jouir de la paix du néocolonialisme. D’autres font le choix d’affronter les périls et de refuser de commettre la lâcheté de passer à la collaboration. Comment identifier celles et ceux qui tiendront bon jusqu’à leur mort comme les Alla Kane, les Jo Diop, Moctar Fofana Niang, les Sadio Camara, Seydou Cissokho, Moussa Jileen Diop, Birane Gaye, etc. ? N’ayant le don ni de futurologue ni d’astrologue politique la vigilance et la prudence les plus élémentaires commandent que même quand le peuple produit de tels hommes et femmes, c’est un collectif organisé qui peut assurer la réussite de la perspective clairement tracée. « Le peuple qui confie sa subsistance à un seul produit se suicide » a dit José Marti. Il en est en politique comme en économie. Le peuple ou le groupe d’hommes et de femmes qui confie sa subsistance politique à un (e) seule (e) homme/femme se suicide politiquement. Et cela est valable pour Ousmane Sonko comme pour l’auteur de ces lignes.
En 2014, à la question : « Vous évoquez souvent la force du collectif et misez sur les mouvements sociaux plutôt que sur des individu.es isolé.es. Comment peut-on construire un mouvement fondé sur cette éthique dans une société qui ne cesse d’encourager l’égoïsme et l’individualisme ? » Angela Davis donnera une réponse que les peuples doivent méditer.
« Avec l’émergence du capitalisme mondialisé et des idéologies associées au néolibéralisme, il est devenu particulièrement important de mesurer les dangers de l’individualisme. Les luttes progressistes – qu’elles se concentrent sur le racisme, la répression policière, la pauvreté ou d’autres problématiques – sont vouées à l’échec si elles ne dénoncent pas la mise en avant insidieuse de l’individualisme capitaliste. Même si Nelson Mandela a toujours dit qu’il fallait mettre au crédit des hommes et des femmes qui luttaient à ses côtés, les média ont tout fait pour le sacraliser et le présenter comme un héros. On a cherché, par un processus analogue, à dissocier Martin Luther King du grand nombre de femmes et d’hommes qui constituaient le cœur du mouvement pour les droits civiques. Il est essentiel de s’opposer à cette représentation de l’histoire qui se focalise sur l’action de quelques figures isolées : c’est la condition pour qu’on puisse prendre conscience aujourd’hui de notre propre force au sein d’une communauté de lutte toujours plus large »
Dans un discours délivré en 2013, Angela Davis ajoutera : « Comment faire alors pour empêcher que les figures de l’Histoire soient présentées comme des individus extraordinaires – des individus mâles extraordinaires -, et révéler enfin le rôle joué par les femmes, et notamment les employées de maison noires au sein du mouvement de libération ?
Ce n’est pas grâce à l’action des leaders des mouvements de contestation, des Présidents et des législateurs que les régimes marqués par la ségrégation raciale ont été renversés, mais parce que des citoyens et citoyennes ordinaires se sont mis à poser un regard critique sur leur situation et la manière dont ils la percevaient. Des réalités sociales qui paraissaient jusque-là immuables et infranchissables ont été soudain considérées comme réformables et transformables. Les gens ont appris à imaginer ce que pourrait signifier le fait de vivre dans un monde qui ne serait pas exclusivement gouverné par le principe de la suprématie blanche. Et c’est dans ce contexte de luttes sociales que cette prise de conscience collective a pu voir le jour. »
Angela Davis – citons là une dernière fois – terminera son discours au Birkbeck college de Londres en disant : « ceux qui glorifient le principe d’organisations fonctionnant au consensus interprètent souvent de façon erronée les mots d’Ella Baker, « les personnes fortes n’ont pas besoin de figures fortes ». Baker a délivré ce message à diverses occasions au cours des cinquante années qu’elle a passées sur le front des luttes pour l’égalité raciale, mais ce qu’elle voulait dire par là était lié à un contexte particulier. Il s’agissait de s’affranchir de l’idée du leader charismatique, de la figure messianique qui offrait le salut politique contre un peu de déférence. De la même manière, Baker n’a jamais pensé que les grandes mobilisations sociales pouvaient surgir naturellement, sans une analyse collective et sans véritable stratégie, organisation, construction et concertation ».
De 2015 à maintenant, l’auteur de ces lignes est satisfait de ce qu’au plan médiatique sa famille politique notamment par l’image, le discours (ancré dans un anti impérialisme que d’autres qualifieront de nationalisme ou patriotisme) et la pratique (résolu jusqu’à être radié) d’un Ousmane Sonko soit omniprésente aux côtés des autres familles politiques. Cela doit être préservé, renforcé, amélioré notamment par la réalisation du projet de fusion entre Pastef, le RND, Taxaw Temm et Yoonu Askan Wi. Ousmane Sonko et Ndawi Askan Wi sont des antidotes à la résignation du peuple sénégalais, à son découragement et son « apolitisme » devant une classe politique qui en est la cause par sa démonstration par deux alternances qu’elle excelle dans le changement dans la continuité de l’oppression du peuple.
Cependant, les 40.000 citoyens sénégalais qui ont voté pour la liste Ndawi Askan Wi que Ousmane Sonko a dirigée lors des dernières législatives doivent s’éduquer, s’instruire. Et au-delà, notre peuple. Cela passe aussi en leur disant ce que le journal Le prolétaire déclara aux ouvriers boulangers, pendant la Commune de Paris, qui obtenant la suppression du travail de nuit, se rendirent à l’Hôtel de Ville remercier la Commune. » Le peuple n’a pas à remercier ses mandataires d’avoir fait leur devoir […] Car les délégués du peuple accomplissent un devoir et ne rendent pas de services. »
L’attention et l’écoute dont jouissent Pastef et les autres membres de la coalition Ndawi Askan Wi à travers le déroulement de la tactique parlementaire de Ousmane Sonko est une audience dont il faut profiter pour dire au peuple que » Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables » ; et que : » Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais alors seulement, on ne pourra plus étrangler la République. »
Ousmane Sonko, en plus d’être notre bouche, est aussi notre œil à l’assemblée nationale. Nous devons avoir plusieurs yeux à l’assemblée nationale. Travaillons-y d’ici les prochaines législatives. Nous devons aussi avoir nos yeux (en majorité ou en minorité) dans les différentes municipalités de notre peuple lors des prochaines élections locales de 2019. Nous devons avoir un œil à la présidence de la république. Pas un œil de ministre conseiller d’un président d’une autre famille politique collabo. Mais notre œil à la présidence doit être celui du président même.
Ces différents yeux et bouches, à commencer par Ousmane Sonko, en attendant que notre propre constitution soit en vigueur pour appliquer la révocabilité, doivent être contrôlés, surveillés et discutés dans et en dehors de Ndawi Askan Wi. A cet effet, la coalition Ndawi Askan Wi doit transformer les 45 départements et les 500 autres collectivités locales en autant de Pénc, d’assemblée locales où se discutent les choses du peuple et s’apprécient l’action de notre seul député, mais également où se déterminent les priorités que les populations (paysans, ouvriers, éleveurs, pêcheurs, jeunes, femmes, patronat…) de ces localités voudraient voir notre député Ousmane Sonko s’en faire la caisse de résonnance, la courroie de transmission. La même chose serait faite au niveau des conseils municipaux et départementaux. Et au besoin, les populations manifesteront devant les conseils municipaux et départementaux, l’assemblée nationale, feront des pétitions…pour exiger une application de leurs décrets. C’est cela la souveraineté démocratique (ou populaire) en marche. En effet, le discours est : » Peuple, gouverne-toi toi-même par tes réunions publiques, par ta presse ; pèse sur ceux qui te représentent ; ils n’iront jamais trop loin dans la voie révolutionnaire. « . C’était cela le sens de l’expérience de la Coalition Pencoo à Koungheul lors des élections locales de 2009.
C’est peut être ce qu’essaient de faire certaines forces politiques états-uniennes et qu’exprime Bernie Sanders quand il dit « nous avons besoin d’une stratégie à 50 États, qui engage les gens – jeunes et travailleurs – à se lever et à se présenter aux conseils scolaires, à se présenter au conseil municipal et à la législature de l’État, de sorte que le gouvernement, à tous les niveaux, commence à écouter les gens ordinaires au lieu des contributeurs de la campagne. ». Ainsi nous passerons d’un député-rebelle à une assemblée nationale-rebelle, des conseils municipaux et départementaux rebelles, des paysans rebelles, des syndicats rebelles, un patronat-rebelle…
Si chacun des actes de la coalition Ndawi Askan Wi ne vise pas à renforcer et à améliorer cette conscience de notre peuple et sa situation, l’existence de la coalition Ndawi Askan Wi serait sans objet. Avec notre seul député et la sonkomania le terreau est fertile pour ce travail d’éducation, d’organisation, d’implantation, de structuration, d’agitation, de propagande…
Bonne année 2018 d’édification de l’alternative populaire anti impérialiste,
de transformation des rapports entre délégués et citoyens,
de luttes et de victoires
Dakar, le 04 janvier 2018